Cache-misère

Le Premier Ministre vient d’annoncer la reconduction d’une mesure qui a eu un certain succès l’an dernier : la prime Macron pour les premiers de corvée. Et pour moi c’est plutôt une mauvaise nouvelle.

Une prime, pas une augmentation

Je ne vais pas faire ma mauvaise tête : si prime il y a, bien sûr que je vais la prendre. Je ne suis pas en mesure de refuser qu’on verse de l’argent sur mon compte en banque (d’ailleurs je ne connais pas grand monde qui dirait “non merci, ça va aller“). Mais ça reste un camouflage pour masquer la sous-rémunération des métiers dits essentiels.

Une prime de 1000€, ramenée sur 12 mois, correspond à 80€ d’augmentation de salaire (83,333 si on veut être précis). Certes, c’est une somme appréciable, mais qui n’apparaît nulle part. C’est de l’argent brut : ça n’apparaît pas sur le revenu imposable, ça ne compte pas pour les allocations chômage, ni pour la retraite.

Et surtout, ça n’est pas considéré comme un revenu : donc pour celui ou celle qui veut louer ou acheter un appart’, contracter un crédit quelconque, ben c’est mort : si le dossier ne passait pas avant, il ne passera pas plus maintenant. Au mieux cet argent finira dans un compte épargne et rapportera quelques maigres interêts à son détenteur, au pire il finira dans de la consommation courante (j’avoue l’an dernier cet argent m’a permis de m’offrir une télé 4K et tout le tralala).

Enfin, on sait très bien que cette prime ne sera pas pour tout le monde : dans les grands groupes, ça sera sous conditions (temps partiel, pas d’absences pendant une période donnée), et pour les PME déjà durement frappées par la crise, la trésorerie ne permettra pas ce genre de fantaisies, même défiscalisées .

Pourquoi augmenter les salaires ?

Le salaire est aujourd’hui considéré comme l’unité-étalon de l’échelle sociale : plus ton revenu est important, plus tu as la possibilité de faire des choix. C’est sur la base du salaire que ta capacité à rembourser un emprunt va être jugée, donc la possibilité de te constituer un patrimoine immobilier (ne serait-ce qu’acquérir ta résidence principale). C’est aussi sur cette base qu’on est jugés utiles (ou pas) à la société – c’est peut-être un peu moins vrai aujourd’hui … mais les vieilles habitudes ont la vie dure.

On s’aperçoit que les premier.es de corvée sont sous-payés : pour la plupart, exposé.es à des horaires contraignants, à des risques sanitaires et psycho-sociaux plus élevés que la moyenne, ils sont en prime considérés comme des subalternes dans l’échelle sociale et salariale, avec peu d’espoir de voir leur position s’élever durablement.

Avec un salaire plus juste, on ouvrirait ainsi la possibilité à certain.es de payer de meilleures études à leurs enfants, voire de se payer des formations professionnelles pour envisager une reconversion (oui parce que le CPF c’est bien gentil mais c’est souvent insuffisant). On offrirait ainsi un moyen, pour celui ou celle qui le veut, de se reconvertir vers un métier moins dur et correspondant plus à ses attentes. Et contrairement à ce qu’on peut croire, certains aiment aussi leur métier, sincèrement, s’éclatent dans ce qu’ils font, et mériteraient une reconnaissance plus juste de leurs efforts.

Mais ça, peut-être que ça n’arrange pas tout le monde ?

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