Regarder par la fenêtre

Comme beaucoup d’entre nous, la plupart de mes interactions sociales se font via les messageries instantanées et les visios. Cela ne va pas sans créer de nouveaux comportements.

La dépendance au web

Depuis ses débuts, j’ai toujours été fasciné par Internet. J’ai connu les joies des connexions en 56k, puis le déploiement de l’ADSL et des différents dégroupages par les opérateurs. J’ai connu des boîtes comme Caramail, AOL, Lycos, LibertySurf (qui est devenu Club-Internet, puis Neuf, puis SFR … vous suivez ? ), et cette époque ou le web était libre. Fut un temps où le summum du cool était d’envoyer des wizz avec MSN Messenger.

le son du wizz

Sauf que, il y avait le web, et la vraie vie. Les soirées avec les copains, les concerts… étaient le principal moyen utilisé pour rencontrer de nouvelles têtes et créer une relation. Toutes ces interfaces ne servaient finalement qu’à les prolonger. On avait comme amis sur le web que les gens qu’on fréquentait dans le monde extérieur.

Comme celui-ci a quasiment disparu, il faut bien se replier sur quelque chose pour ne pas finir complètement enfermé, replié sur soi-même. Donc me voilà dépendant totalement du web pour préserver un semblant de vie sociale.

Les messageries

WhatsApp®, Telegram®, Signal®… les clients de messagerie se multiplient et sont tous installés sur mes appareils. C’est pratique, c’est tout le temps ouvert et on y va quand on veut. Une connerie me passe par la tête, et hop, un message part dans le groupe.

Sauf que … on a le temps de formuler la connerie, de la réfléchir, de s’assurer qu’elle correspond aux standards de la personne ou du groupe dans laquelle elle est postée. De fait, on y perd forcément en spontanéité. On perd aussi l’expression, la gestuelle, le ton … ce qui oblige à peser ses mots pour être certain d’être compris.

Et puis, les paroles s’envolent, les écrits restent. On peut de plus en plus souvent supprimer un message, mais rien ne dit qu’une capture d’écran n’a pas été réalisée par un des interlocuteurs (on sait jamais ça peut servir). Du coup – comme dans les séries américaines – tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous. Ce qui implique, selon la discussion dans laquelle on interagit, de peser ses mots. Et ça peut etre usant.

Bien sûr, comment ne pas se soucier non plus de la préservation de la vie privée. Toutes ces messageries sont sécurisées (du moins c’est ce que nous jurent leurs éditeurs), mais la récente polémique autour des CGU de WhatsApp et la grande migration qui s’ensuit peut laisser songeur (même si je reste convaincu que Facebook n’a rien à cirer de 99,9% des messages que j’échange).

La visio

Ah les joies de la visio … l’outil parfait par excellence, c’est presque comme en vrai. Sauf que ça dépend de plein de facteurs. D’abord la qualité de la connexion (et ce n’est pas Sylvie qui me démentira), celle de la webcam et du micro (et je ne remercierai jamais assez Apple pour mettre une webcam dégueulasse sur un ordi à plus de 1000 balles), et le fait de ne pas forcément se mouvoir comme on le voudrait.

Il faut faire attention à son cadrage (on évitera l’étendoir à linge accroché à la porte en arrière-plan et/ou le lit pas fait), la luminosité (histoire de pas ressembler à un zombie), la qualité du micro (on t’entend pas bien là) … bref beaucoup de petits paramètres qui peuvent nuirent à la qualité et à la spontanéité de la conversation.

Puis une visio, ça se prépare, ça se prévoit et ce n’est pas la rencontre au hasard, à un coin de rue… bref c’est pas complètement naturel. Et pour peu qu’on soit un peu nombreux, on se retrouve vite à écouter et à avoir des difficultés à en placer une.

Qui se ressemble s’assemble

Enfin, un des risques est de se retrouver à échanger essentiellement avec des gens qui pensent comme vous. Du coup, on se retrouve facilement à être globalement d’accord, à se rassurer (voire à s’enfoncer) dans nos certitudes, sans forcément se confronter à un vrai débat avec un contradicteur qui peut avoir des arguments tout à fait valables pour justifier son désaccord.

Le débat peut y perdre en qualité, en intensité et au final, devient consensuel. Chacun va développer ses idées dans son coin, rester dans sa bulle et tout cela peut rendre au final la confrontation plus violente – parce qu’on a perdu l’habitude de tolérer une opposition contradictoire. Et les algorithmes des réseaux sociaux, qui ne vous recommandent au final que des gens avec qui vous partagez le même avis, n’aide pas. On a pu voir ce que ça a donné lors de l’élection présidentielle aux USA.

En bref, ces outils peuvent être formidables, mais ne perdons pas de vue que rien ne remplacera la véritable relation humaine, celle avec son voisin ou son collègue de boulot. Même si Gérard est un gros c… (pardon aux Gérard qui me lisent), il peut aussi nous apprendre quelque chose.

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