Transfert de charge (ou le rôle du beau-père)

Il ya quelques temps, je dissertais sur le rôle du père divorcé que je suis. Aujourd’hui, devenu beau-père au sein d’une famille recomposée, je profite à fond du transfert de charge qui m’incombe. Si aux yeux de la loi, je ne suis rien, ça n’empêche pas que je me retrouve à assumer la charge de deux familles.

Héritage

Souvent, dans une famille recomposée, il y a des mômes. C’est le cas. L’enfant a un père, une mère, et un beau-père. Le père est parti, loin, il voit (comme moi) ses enfants pour les vacances. C’est donc le beau-père que je suis qui vit au quotidien avec un enfant qui n’est pas le sien, qui prend le relais pour l’école, pour les activités péri-scolaires, et pour le quotidien à la maison (repas, lessives…)

Toutefois, je ne suis pas le père. Légalement, je ne suis même rien aux yeux de la loi. Pas de droit de regard sur la scolarité, pas toujours mon mot à dire… au mieux je figure sur le dossier comme potentiel contact en cas d’urgence. Et puis les remarques, parfois cinglantes (le fameux “t’es pas mon père”), parfois difficile à encaisser alors que j’ai souvent l’impression de “faire fonction de…” et de subir les inconvénients.

La ligne budgétaire

En prime, il faut aussi assumer financièrement. Pour d’obscures raisons, le père-titulaire ne paie pas de pension alimentaire, mais un enfant, ça se nourrit et ça engendre des frais. La mère isolée n’étant plus isolée, elle ne bénéficie plus des aides inhérentes à son statut. C’est donc le beau-père (qui n’a aucun droit) qui se voit confier la charge financière de l’enfant. Pire même, si deux parents isolés bénéficiaient de l’ASF, une fois en couple ensemble, cette aide disparaît – totalement.

Pendant ce temps, ma propre responsabilité auprès de mes enfants n’a aucunement diminuée. Je continue, régulièrement (et malgré les aléas de revenus de ma situation d’auto-entrepreneur), à participer financièrement à l’éducation de mes enfants, à payer les voyages réguliers pour venir en visite. Et ce sans aucune aide, même lors de la période où je n’avais aucun revenu.

Une proposition de loi avait été déposée pour maintenir l’Allocation de Soutien Familial pour les familles recomposées au Sénat, mais les sénateurs LR l’ont tuée dans l’oeuf. Pensez donc, aider des familles en difficulté ne fait aucun sens. Comme l’a déclarée, en commission, la sénatrice Deseyne :

Les conditions de versement de cette pension sont connues : il faut être un parent isolé avec un enfant à charge. Quand on souhaite refaire sa vie, il faut en accepter les contraintes ; quand on se met en couple avec une femme qui a des enfants, on doit l’assumer, on recompose une famille. Il y a de plus en plus de familles recomposées dans lesquelles les nouveaux conjoints s’investissent dans l’éducation des enfants du compagnon ou de la compagne.

Chantal Deseyne, sénatrice d’Eure-et-Loir, le 16 février 2022
Commission des Affaires Sociales du Sénat

Or, comme on l’a vu, le beau-père n’a aucun droit, ni aucune obligation légale de prendre en charge l’enfant. Pourtant, l’Etat l’y contraint, sans aucune contrepartie, et, si le beau-père refuse de prendre en charge l’enfant, il sera dans son droit s’il ne fournit aucune aide à la mère… Après tout, elle n’avait qu’à mieux choisir son ou sa partenaire.

Un statut du beau-parent ?

On le voit donc, la famille recomposée est encore, aux yeux de la loi, un phénomène inexistant. Pourtant, de plus en plus d’enfants vivent avec un beau-parent à la maison, et celui ou celle-ci a un rôle à jouer dans l’éducation, et dans la prise en charge de l’enfant. Ce phénomène prend une place grandissante dans nos sociétes, et ce depuis plusieurs générations… il serait temps que le législateur se penche dessus, et propose un vrai cadre de vie pour ces familles nouvelle génération.

D’aucuns me diront que ces unions sont contre-nature (la fameuse morale judéo-chrétienne), d’autres gloseront sur les dépenses supplémentaires pour l’Etat. Toujours est-il qu’un véritable statut du beau-parent permettrait enfin de mettre en lumière les droits et les obligations de tous, et offrirait à de nombreux enfants un cadre sécurisant pour grandir.

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