Discussion de comptoir

Dans son dernier billet, l’ami Nicolas semble se réjouir du retour des blogs socialistes, en citant abondamment mes derniers écrits. Il fallait donc bien que je lui réponde. Nonobstant un certain nombre de désaccords, je partage avec lui certains points communs, que je vais tenter d’éclaircir ici.

Ce blog est-il socialiste ?

Je ne suis pas assez sectaire pour me limiter à un public aussi réduit, même s’il semble que le socialisme revient à la mode. Je me réjouis de la hype autour des valeurs socialistes, même si elle reste minoritaire dans le pays. Ce blog s’adresse à toutes celles et ceux qui se donnent la peine de le lire, et est le reflet de mon avis personnel.

Certes, je suis militant socialiste (c’est pas un scoop) et ma pensée est évidemment influencée par les débats (parfois nourris) avec d’autres socialos. Ceci dit, j’ai tendance à me considérer comme assez libre pour penser par moi-même et dire (je l’ai déjà fait) que les socialistes sont nuls quand ils le sont. Enfin, le PS ne me paye pas pour écrire sur ce blog (ça serait du vol), donc ce blog n’est pas socialiste.

Faut-il un Premier Ministre socialiste ?

Revenons-en au bordel actuel. Cycee a raison de dire que Macron a été totalement irresponsable en décidant une dissolution à ce moment précis, et que son attitude depuis dimanche l’est tout autant. Les Français ont exprimé une volonté forte de changement, que ce soit en votant pour le NFP ou pour le RN. Le premier constat de cette élection est là, et s’il n’est pas entendu, la crise va s’aggraver considérablement.

Sur la réforme de la République, je partage son avis : des changements sont nécessaires. Le modèle actuel était adapté au bi-partisme, mais celui-ci n’existe plus. Et l’hyper-présidentialisation montre ses limites depuis 2007. À chaque élection, on retrouve au final plus de perdants que de gagnants (l’abstention ne conduisant jamais à un Président élu par plus de la moitié des inscrits), et le quinquennat, associé à l’inversion du calendrier, conduit finalement au désinterêt des Français pour la démocratie (bon, le niveau des personnalités politiques, en chute libre, n’aide pas).

En attendant, il va bien falloir un Premier Ministre, et nommer un socialiste fait sens : je l’ai déjà exprimé, sans majorité, il faut être capable de discuter avec les autres camps, et on sait bien que les Insoumis ont une capacité limitée au compromis. Les socialistes ont toujours bénéficié d’une certaine forme de respectabilité, et le futur PM devra être en mesure de rassembler, non pas la seule gauche, mais le pays entier. Rappelons que Faure, malgré ses défauts, a toujours su à la fois garder son calme et travailler en faveur de l’union (ce qui, face à Mélenchon, n’est pas si simple) et qu’il sait y faire avec les cas désespérés (il suffit de se souvenir de l’état du PS en 2018 quand il en a pris la direction).

Des sous pour les pauvres

Je parlais un peu plus haut de la volonté des Français pour un changement : la première de leur préoccupation, ce n’est ni les Jeux Olympiques, ni la chasse aux immigrés (autrement dit, que ce soit Oudéa-Castéra ou Brahim Bouraam qui se baigne dans la Seine n’est pas le plus important pour eux), mais leur capacité à boucler les fins de mois. Et avec un taux de pauvreté qui frôle les 10% de la population, autant dire que c’est une urgence sociale.

On sait qu’une hausse du SMIC aura des répercussions sur l’économie, qu’il y a un risque de relance inflationniste qu’il faudra limiter pour que la réforme porte. Rappelons qu’elle est associée à des dispositifs d’aide pour les PME et TPE, et qu’elle s’accompagne d’une redistribution des profits en passant par des taxes plus élevées pour ceux qui gagnent beaucoup. Il suffit d’ailleurs de vérifier avec le simulateur que ceux qui paieront le plus d’impôts ne mourront pas de faim avec ce qui leur restera, loin de là.

Ça fait à peu près 30 ans qu’on entend parler de baisses de charges nécessaires à la compétitivité de nos entreprises, de choc de l’offre et autres conneries de ce genre. Ça fait 30 ans qu’on baisse régulièrement les charges, et nos entreprises n’arrivent visiblement toujours pas à être compétitives (enfin ça dépend lesquelles). La succession de crises a drastiquement réduit le pouvoir d’achat de nos concitoyens, faisant de la France « un pays riche rempli de pauvres ».

Sans un électrochoc sur le pouvoir d’achat, les Français vont continuer à s’appauvrir, certains se privent déjà de manger. On pourra analyser dans un futur billet les raisons de cet appauvrissement massif, avec des exemples concrets. Le risque, c’est le déclassement, qui jettera les Français dans les bras des extrêmes. La hausse du SMIC proposée par le NFP est une mesure parmi tant d’autres, qui envoie un signal fort. Si on ne veut pas jeter les Français dans les bras des extrêmes (de droite comme de gauche) il faut réparer la confiance très vite.

C’est inapplicable en l’état

Il faut que la gauche arrête de dire « tout le programme, rien que le programme », nous dit Nicolas. Pourtant, il faudra bien l’appliquer ce programme. D’abord parce qu’on ne pourra pas financer les mesures sociales en creusant encore plus la dette (le « Mozart de la finance l’a déjà bien entamée), et parce qu’il sera encore pire de ne pas le tenter, ça serait trahir la confiance des électeurs et on ne peut vraiment plus se le permettre.

Bien sûr que les macronistes, la droite feront obstacle : c’est une évidence, ce sont des adversaires et ils tenteront le plus souvent possibles de contrer les mesures portées par un Gouvernement qui, quel qu’il soit, sera minoritaire. Il faudra être assez habile pour ne pas faire oublier leur bilan, toutes leurs erreurs qui ont mené le pays à cette situation, et assez pédagogues pour expliquer que si les choses n’avancent pas, ce n’est pas de notre faute. Par contre, c’est un devoir moral que d’essayer de mettre ce projet en application, parce que c’est le résultat des urnes qui donne à la gauche la légitimité de le faire.

L’autre solution consisterait à laisser Macron choisir un Premier Ministre et un gouvernement de son camp, et les regarder plonger encore plus le pays dans la misère et une certaine forme de chaos. Il suffirait ensuite de filer les clés à Le Pen et d’attendre benoîtement que les Français se réveillent enfin et comprennent ce qu’est vraiment l’extrême-droite. Mais clairement, la cinquantaine approchant, je ne suis pas certain d’avoir le temps pour ça.

Bref c’est inapplicable, mais on n’a pas le choix.

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