Qui perd gagne !

Après 2 mois de carences, voilà notre pays doté d’un nouveau gouvernement. Et tout aussi incroyable que cela puisse paraître, celui-ci ne reflète absolument pas le résultat des dernières élections. En effet, celui-ci est le résultat d’une coalition hétéroclite de la droite et du centre, grands perdants des législatives de juillet dernier.

Petit rappel des faits

Le 9 juin, les électeurs se rappelaient au bon souvenir du Président en plaçant le RN en tête aux élections européennes. Vote-défouloir par excellence, ils en profitaient même pour infliger à la liste présentée par le camp présidentiel un sérieux camouflet, celle-ci arrivant deuxième de peu devant la liste menée par Raphaël Glucksmann et soutenue par le PS.

Il n’est pas inhabituel que le camp majoritaire se prenne une déculottée aux Européennes, les Français ayant pris l’habitude de considérer ce vote comme un moyen de sanctionner les divers pouvoirs en place… qui en général s’en foutent allègrement ou font quelques changements cosmétiques pour la forme. Il suffit de changer quelques ministres, d’infléchir (ou pas) la politique en cours et de 2-3 jolis discours et on passe à autre chose.

Mais piqué au vif, notre Président a choisi de dissoudre l’Assemblée, espérant résoudre son petit problème de majorité relative depuis 2 ans… et le petit problème est devenu bien plus gros. Après le choc du 30 juin, le front républicain a encore une fois fonctionné, et la gauche unie est devenue le groupe le plus important à l’Assemblée. On s’acheminait donc logiquement vers une éphémère cohabitation avec la gauche – au moins jusqu’à la première motion de censure.

Le NFP circus

Sauf qu’avec la gauche moderne, rien ne se passe jamais comme prévu non plus. À peine le résultat des législatives connu, le Guide Suprême Kim-Jonluk s’est rué sur les micros tendus pour donner son avis et déclamer « le programme, tout le programme et rien que le programme », verrouillant ainsi toute possibilité d’ouvrir la discussion avec les députés prêts à discuter les conditions d’une coalition.

Nous avons ensuite assisté à la séquence « qui sera le Premier Ministre ? », séquence digne des meilleures heures de la télé-réalité (pour Huguette taper 1, pour Laurence taper 2, pour Lucie taper 3…). Pendant 15 jours, les noms se sont succédés, chaque parti exprimant ses réserves sur le potentat du jour : l’un⋅e est trop à gauche, l’autre pas assez… Pendant ce temps, après 3 mois de campgane politique, les Français⋅e⋅s s’adonnaient à leur sport favori : se vautrer sur leur canapé et admirer les exploits des athlètes olympiques.

Le conclave a fini par sortit un nom : Lucie Castets, fonctionnaire de la Mairie de Paris, qui est passée du jour au lendemain d’illustre inconnue à potentielle cheffe du Gouvernement. Mais entamer une campagne médiatique en plein cœur des congés d’été donne rarement de bons résultats. Elle se place malgré tout devant Olivier Faure et Jean-Luc Mélenchon dans les dernières enquêtes, mais loin derrière… Hollande et Cazeneuve.

Tout ça pour dire que débarquer 2 semaines après les élections en disant « Hé ça y est on a un Premier Ministre à proposer »… ben c’est 2 semaines trop tard !

Le retour des morts-vivants

Et au final, après 2 mois de tergiversations, de médailles olympiques et de vacances à la plage (pour ceux qui en ont les moyens), voilà qu’un nouveau gouvernement est annoncé… Enfin nouveau il faut le dire vite.

D’abord le 1er Ministre : Michel Barnier, un gars qui a commencé à se faire un nom au moment de l’organisation des Jeux Olympiques… d’Albertville (donc il y a 32 ans). Un homme politique qui a cumulé les fonctions, qui a déjà été ministre sous … Mitterrand (gouvernement Balladur – voilà qui ne nous rajeunit pas) et élu pour la 1ère fois … 4 ans avant la naissance du président Macron ! Pour l’effet nouveauté on repassera.

Surtout, Michel Barnier est issu du parti Les Républicains, qui compte… 47 députés, soit un des plus petits groupes de la nouvelle Assemblée. En additionnant ces voix (parfois dissonantes lors de la précédente législature), avec celles de l’ancienne majorité, on arrive péniblement à un total de 213 députés, soit à peine plus que le groupe de gauche.

En gros la survie de ce gouvernement dépendra du bon vouloir du groupe RN, qui pourra décider de voter une éventuelle motion de censure déposée par la gauche ou pas. Autant dire que les nombreux ministres issus du camp conservateur, Manif’ pour tous sont là pour séduire Le Pen et sa clique de fachos, et espérer que ce gouvernement qui penche plus qu’à droite survive quelques mois. Avec le temps qu’il a fallu pour le constituer, ça serait gâcher qu’il ne finisse pas l’année non ?

Honnêtement, je n’attendais pas grand chose de ce nouveau gouvernement. J’ai au moins l’avantage de ne pas être déçu. Mais j’avoue que, pour le coup, je regrette un peu d’avoir fait encore une fois « barrage » à l’extrême-droite, pour finalement qu’elle puisse avoir une telle influence sur la survie du gouvernement. En prime, l’impression qui reste est celle d’un président qui n’écoute pas l’expression du peuple et se contrefout de la démocratie. Autant dire que ça risque d’en décourager pas mal d’aller voter la prochaine fois, que ce soit pour une législative anticipé, pour les prochaines municipales ou pour la présidentielle de 2027. Autant dire que la porte est grande ouverte à Le Pen et ses idiots utiles pour 2027…

On saluera quand même le sens aigu pour la chose politique d’Éric Ciotti, qui a fini par quitter ses anciens copains après avoir voulu filer les clés du parti au RN, et qui est le seul Républicain restant à ne pas être devenu ministre. Du génie !

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