Le temps qui passe

Hier nous célébrions le passage à la nouvelle année. Et cette année marque pour moi un stade : j’ai vécu plus longtemps au XXIème siècle qu’au XXème.

Born in the 70’s

J’ai commencé à me rendre compte que je n’étais plus jeune il y a quelques mois. Je me masquais les indices évidents : des poils de barbe de plus en plus blancs, des petites douleurs de plus en plus présentes… jusque là ça allait. Par contre, je remarquais bien qu’il fallait scroller de plus en plus loin sur mon téléphone quand on me demandait ma date de naissance, et le passage l’an dernier aux verres progressifs m’a ramené à la dure réalité : je me fais vieux.

À ma naissance, Giscard était président, Mitterrand se préparait à le remplacer, le mur de Berlin était encore solidement installé, Brejnev gouvernait l’URSS et Carter les USA, les numéros de téléphone avaient 6 chiffres, mon père clopait dans sa R5 et nous bassinait avec un jeune chanteur du nom de… Michel Sardou. Les gens bossaient quasiment à vie dans la même boîte, la crise pointait son nez, mais ça allait encore.

Quand l’actu devient Histoire

J’ai vu passer le nuage de Tchernobyl au dessus de nos tronches, j’ai tenu un bout du Mur dans mes mains (était-il authentique ?), l’URSS se disloquer en quelques semaines, la naissance du grunge et de la dance music, l’arrivée des premiers cellulaires et d’Internet, les 2 tours s’effondrer sous nos yeux effarés, les attentats de Madrid, de Paris, de Nice, les printemps arabes et les guerres de religions revenir en force.

J’ai vu l’équipe de France devenir championne du monde de foot et la liesse généralisée qui s’est emparée des gens, connu un monde en paix, ou le nouvel ordre mondial capitaliste ferait le bonheur des gens, les géants industriels d’hier s’effacer devant les géants numériques d’aujourd’hui, disparaître les enseignes de l’époque (Codec, Mammouth, Continent…) : tous ces événements qu’on trouve désormais dans les livres d’histoire de nos gosses.

Les petites histoires de la vie

J’ai vu aussi mes parents se déchirer, et mettre un bordel pas possible dans la famille, j’ai été jeté dehors successivement par ma mère puis par mon père, j’ai connu les foyers, les hébergements d’urgence et l’avenir impossible à imaginer, la stabilité professionnelle qui ne venait pas. J’ai eu faim, et je me suis juré de tout faire pour que ça n’arrive plus jamais.

J’ai connu mes premiers amours, la joie d’être père et les difficultés qui vont avec, les séparations, les changements de caps professionnels, le départ vers une nouvelle vie il y a maintenant 3 ans, le décalage de génération avec le “petit dernier” qui n’a que 12 ans, et cette réalité qui s’impose à moi : je suis de plus en plus vieux, et ça ne va pas en s’arrangeant.

Un vieux parmi les vieux

Ce qui me rassure c’est que je suis loin d’être seul. Les vieux sont de plus en plus présents dans notre société, (les plus de 65 ans représenteront 1/3 de la population en 2035), et ma génération est loin d’être minoritaire selon l’INSEE.

Ce qui m’inquiéte, c’est que la société ne semble pas prête à à accueillir notre vieillissement. L’image qu’on se fait des vieux d’aujourd’hui s’éloigne de plus en plus de la réalité. On croise de plus en plus d’anciens qui troquent le pantalon de velours et les Scholl pour un jean et une paire de sneakers, les smartphones sont de plus en plus présents y compris dans les EHPAD, et la programmation de Radio Nostalgie a remplacé depuis un moment Aznavour par INXS et Nirvana.

La question qui m’interpelle pas mal est celle du traitement qui sera fait à ces vieux next-gen. On sait déjà qu’ils devront travailler plus longtemps (je ne compte plus les réformes successives des retraites depuis le début de ma carrière professionnelle), mais qu’en sera-t-il de leur retraite, avoir un pouvoir d’achat amoindri par rapport aux vieux d’aujourd’hui et des attentes élevées pour les accompagner.

Ce dont je suis certain, c’est que j’ai envie de choisir ma vieillesse, de vivre dans les conditions que je choisis et pas de subir, de continuer à être traité comme une personne et de ne pas être réduit à ma condition de petit vieux (ou de vieux con c’est selon). Et que je ne me laisserais pas marcher sur les pieds par des petits jeunes (ou des jeunes cons 🙂).

Et bonne année à toutes et tous (même si on sait que ça va pas être simple).

11 commentaires

  1. Ton billet soulève beaucoup de questions et je ne suis pas certain (euphémisme) que nos élus (et celles et ceux qui les élisent) prennent toute la mesure des enjeux du vieillissement de la population.

    Je te souhaite à toi et ta moitié le meilleur du moins pire, bonne année !

    • Merci. Belle année à vous 3 aussi et à vos proches.
      Ce sujet n’est hélas pas une priorité (même si l’âge avancé de notre Premier Sinistre pourrait faire bouger les choses). Et au delà du politique c’est pas forcément un sujet qui inquiète les gens aujourd’hui, alors que ça nous concerne toutes et tous.

  2. Je suis né avec de Gaulle comme président, pour te dire à quel point je suis vieux…

    Je suis d’accord avec la fin de ton billet (je ne peux pas être d’accord avec le début : je n’ai pas vu les changements de programme de Nostalgie mais la naissance de cette radio), notamment les vieux (dont moi) qui se croient jeunes en portant des jeans et le fait que « nos générations » (disons ceux nés entre 1960 et 1980) sont oubliés par les politiciens qui croient les satisfaire en parlant d’abrogation de réforme des retraites mais en oubliant qu’on s’inquiète pour les gamins et pour notre avenir, garder un niveau de vie, ne pas finir en Ehpad et tout ça.

    Bonne année à toi !

    • Oui on est tous le vieux de quelqu’un. Le problème c’est qu’on risque de manquer de places dans les EHPAD, où en plus y’a rien à manger (trop cher). Nos élus devraient sérieusement se pencher sur les conditions dans lesquelles on va vieillir, mais c’est comme les prisons, ils ne s’occuperont du problème que quand ils seront directement concernés 😁

  3. oh pute vierge je dois recommencer mon commentaire après avoir désactivé un antipub qui bloque les cookies comme un sagouin…. Bon que disais-je ? nous allons ta génération et la mienne (j’ai vécu mai 68 comme bébé et on a annoncé à l’école la mort du président Pompidou) vieillir différemment des vieux actuels, ou de ceux des années 2000. Par ce que nous avons vécu différemment à cause d’un progrès : l’informatique, arrivée dans les maisons dans les 80’s qui a fini par donner 30 ans plus tard les smartphones. Comme tu le dis , la radio des vieux a changé de programmation. Bah oui les vieux changent et ont écouté autre chose comme musique quand ils avaient 20 ans : l’arrivée des genres différents de la variété pénible et criarde comme Sardou, moi j’ai grandi musicalement avec le disco; ils sont connectés pour certains de plus en plus nombreux (c’est pour les autres que ça devient compliqué par contre). Ta génération et la mienne, fera des vieux encore plus connectés. Et globalement le progrès continue, on guérit de plus en plus de maladies (cancers et autres) c’est un sujet qui est dans mes sujets surveillés. Tout le problème ce sont les gens , jeunes ou pas qui sont hors progrès et déclassés dans notre société moderne. Ceux qui ont besoin des guichets et ne savent/peuvent pas se débrouiller tout seul par exemple devant un courrier ou une procédure administrative de demande de droits. C’est la l’enjeu du vieillissement, faire en sorte que tout ce système fonctionne pour les vieux qui ne seront plus indépendants. Et sinon quel est la part des vieux qui ne sont pas dans des EHPAD ? (qui ne sont pas tous pourris, sinon ça serait la révolution des sans-dents affamés) mon père qui est mort à presque 90 ans était resté chez lui , plutôt indépendant.

    Et sinon je te souhaites un bonne 2025 à toi et tes proches.

    • Les vieux dans les EHPAD ça reste une minorité. Mais pour les autres il y a aussi parfois la nécessité d’avoir des aides à domicile pour les tâches domestiques, ceux qui ne peuvent plus vraiment se déplacer parce que pas assez autonomes et qui ont besoin d’un « taxi »… et clairement y’a pas assez de moyens financiers pour pouvoir accompagner tout ce beau monde.
      Ceux qui peuvent se payer ces personnels le font, pour les autres c’est beaucoup plus compliqué. Les aides publiques sont gérées le plus souvent par les départements qui n’ont plus une thune depuis que la taxe d’habitation n’existe plus. Ils vont réduire la voilure. Le problème c’est qu’il va y avoir de plus en plus de vieux et de moins en moins de vieux « riches », parce que les carrières hachées, la smicardisation des salaires ça va pas faire des grosses retraites, et que y’aura moins de jeunes actifs pour financer les retraites en question. Donc là ou Bernard Arnault pourra se payer des domestiques, t’auras plein de vieux coincés chez eux qui auront de plus en plus de mal à faire leurs courses ou aller chez le médecin. Pas sur qu’ils vivent longtemps dans ces conditions…

      • C’est sur que les vieux qui seront hors des villes ça ne sera pas facile du tout (c’est pour ça que je suis bien là où je suis à 700 m d’un hôpital, de médecin et de commerces). Et y’aura toujours des vieux riches : ceux qui vont hériter des propriétaires de bien immobiliers… les boomers et autres. Après quels sont les besoins de ces vieux ? y’a des études quelque part sur le besoin d’aides a domicile ? dans un pays qui fait des études sur tout ça doit exister et indiquer des manques. Et les carrières hachées , bah oui par ce que le « meilleur système du monde » a été pensé par des gens au moment où les salariés étaient à vie dans un CDI dans une même entreprise et où l’espérance de vie était 15 ans moindre qu’actuellement. En 1950 selon l’INSEE l’espérance de vie d’un homme était de 64 ans, elle est désormais de presque 80 ans, et 5 ans de plus pour les femmes. Il y a alors mécaniquement plus de retraites à payer, et à l’époque de la conception du système pas beaucoup à payer.

  4. Bon vieillir c’est dans la tête disait ma mère grand à la veille de ses 100 ans. Un p’tit com pour montrer que y a des vioques de gauche aussi et faire un pied de nez à Didier qui enfonce que t’chi 😝 . Être de droite ne conserve pas plus , moi aussi je suis né sous Coty.

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