Cette semaine (outre le premier anniversaire de ce magnifique blog) aura été marquée par les célébrations du 40ème anniversaire de l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République.
Les socialistes à la parade
Du coup, les médias se sont souvenus qu’il existait un Parti Socialiste, les caciques nationaux comme locaux ont été interviewés pour rappeler les mesures emblématiques prises durant les premières années (et pour les plus anciens, raconter quelques anecdotes sur le monstre sacré qu’ils ont côtoyé).
Loin des chars russes défilant sur les Champs, on a pu vivre à l’époque l’abolition de la peine de mort, les 39 heures et la cinquième semaine de congés payés, la retraite à 60 ans, l’augmentation du SMIC, la création d’un impôt sur les grandes fortunes, la nationalisation des grandes banques, et le retour d’un État fort et interventionniste dans les affaires du pays. Tout n’a pas aussi bien marché qu’espéré, loin de là, mais la société française a fait à l’époque un sacré pas en avant. Bien sûr, on nous rétorquera aussi qu’il y a eu dès 1983 le tournant de la rigueur, les dévaluations successives du franc, la montée inexorable du chômage … mais, la droite était tellement douée à l’époque que 2 ans après le début de la première cohabitation, elle s’est pris une veste électorale et que Mitterrand a été réélu dans un fauteuil.
Et pour réussir tout cela, Mitterrand avait bien compris que la seule issue était d’unir la gauche … et ça a marché. Il a osé faire entrer des communistes dans son Gouvernement (alors que l’URSS effrayait encore l’Occident), a travaillé avec toutes les forces de gauche, désireuses de faire avancer la société de l’époque et de l’ancrer dans l’ère moderne.
Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
On va se dire les choses honnêtement : pas grand chose. La gauche est éparpillée en une multitude de cabines téléphoniques, dont les chefs-opérateurs se battent pour savoir laquelle a la meilleure qualité de ligne. Les affiches, au gré des alliances, ressemblent à des collections de logos tout droit issus des meilleurs catalogues publicitaires, il y a pour le militant qui veut s’engager un tel choix qu’il finit par rester chez lui, et la moindre tentative d’alliance nécessite des tableurs Excel pour savoir quelle formation est 1 ou 2% devant l’autre et donc le nombre de sièges à laquelle elle peut prétendre.
Bref, c’est un bordel monumental, ou chacun s’accuse de n’être pas forcément assez de gauche, ou trop extrémiste, ou les militant-es donnent et/ou reçoivent quotidiennement des bordées d’injures de la part des militant-es de la cabine téléphonique du parti d’en face, chacun espérant prendre l’ascendant sur l’autre … et les électeurs se barrent inexorablement. Faut dire que toutes ces gauches ne traitent quasiment plus que de sujets sociétaux (sur la laïcité, l’égalité des droits etc.), mais qu’au final on ne les entend que très (trop ?) peu sur les sujets sociaux, sur le chômage, la précarité etc. Le RN a bien compris où étaient les attentes des gens, et propose des réponses, simplistes, inapplicables et dangereuses, mais qui – à mon grand dam – parlent au peuple.
On ne pourra pas réformer une société sans en réformer son moteur : le système économique. Celui-ci conditionne les vies de nos concitoyen-nes (on a bien vu pendant la crise sanitaire quelles étaient les priorités du Gouvernement, si les écoles sont restées ouvertes, c’est aussi pour que les parents puissent aller bosser), et sans le transformer pour en limiter les excès, tout le reste sera impossible – à commencer par la nécessaire transition écologique. Et celle-ci ne pourra fonctionner que si elle associe tout le monde, il ne suffira pas de s’adresser aux bobos urbains, il faudra aussi répondre efficacement au mal-être d’une société qui souffre, qui décline et à laquelle la gauche ne parle plus. Mais pour le moment, de ce côté-là, il y a de la friture sur la ligne.
En l’état, le nouveau Mitterrand, on le verra peut-être arriver… en 2081 ?