Devant les sondages en Provence-Alpes-Côte d’Azur et la possibilité d’une victoire de Thierry Mariani le 27 juin prochain, on sent la nervosité gagner les ténors de la politique, à droite comme à gauche. Petit retour sur 20 ans de lutte … et de gâchis.
Le cataclysme du 21 avril
On se rappelle tous de notre surprise, en ce fameux 21 avril, lorsque à la place du duel annoncé Chirac-Jospin, nous nous sommes retrouvés à devoir voter contre Le Pen. Les divisions (déjà) de la gauche, les candidatures multiples pour se compter, furent fatales à celui qui sortait pourtant de la dernière législature globalement réussie que nous ayons connu, et qui espérait pouvoir continuer son action depuis l’Élysée.
Le vote Chirac a été franc et massif. 82% au second tour, même certaines républiques post-soviétiques pouvaient envier ce score. Chirac restera comme le Président le mieux élu de la Vème République (et à priori pour longtemps). Mais., alors que la situation aurait pu imposer un gouvernement d’union nationale, il a choisi de se replier à ce moment là sur sa famille politique, faisant de cette victoire par défaut une victoire de ses idées. Lourde erreur. Il redeviendra très vite impopulaire voire contesté, les rares réformes tentées furent rapidement abandonnées sous la pression populaire et on retient de ce mandat … qu’il n’a pas finalement servi à grand chose.
Toujours est-il que Le Pen fut renvoyé dans ses pénates pour quelques temps … l’honneur était sauf.
2015 : le traumatisme régional
Dans l’intervalle, à part des retraits sporadiques sur des élections locales, on a été somme toute assez tranquille. Le Pen était occupé à transmettre l’héritage à sa fille, avec quelques tensions intra-familiales qui nous faisaient bien marrer mais assez révélatrices du fonctionnement clanique de la boutique. Entre temps, il y a eu un changement de nom, un ravalement de façade … et une dédiabolisation qui l’est tout autant. On avait à cette époque une polarisation des débats entre la droite sarkozyste et la gauche hollandaise, et le RN était relativement marginalisé.
Toujours est-il qu’à l’occasion des municipales de 2014 et des régionales de 2015, le RN est revenu plus fort, prenant un certain nombre de villes à la gauche et à la droite, et ramenant l’attention sur lui. En 2015, il est passé près d’emporter 2 régions, seuls les retraits des listes de gauche pourtant qualifiées pour le 2nd tour et, à nouveau, un appel au front républicain l’empêchant d’y parvenir. Et, là encore, les gagnants de ces scrutins ont choisi de laisser complètement sur le bords du chemin ceux qui ont sacrifié leurs espérances pour éviter la catastrophe annoncée.
2017 : y’a-t-il vraiment eu un Front Républicain ?
En 2017, l’élimination des candidat-es de la gauche et de la droite a permis la qualification au 2nd tour de la présidentielle d’un jeune ambitieux, libéral et réformateur aux dents longues, et de l’héritière au second tour. Les appels au Front Républicain ont été bien moins forts, les responsables de partis (sauf un) ont fait leur devoir en appelant à voter pour celui qui semblait le plus respectueux des règles républicaines, mais déjà l’engouement n’était pas le même qu’en 2002. On a assez peu vu les militant-es défiler pour appeler au barrage (mis à part à Paris), les appels, les tribunes … comme si finalement, voir le nom de Le Pen au 2nd tour d’une élection était devenu banal. L’abstention est restée élevée, et l’écart final entre les 2 candidats pas si grand. Clairement, le front républicain s’est essoufflé.
Il faut dire que les principaux bénéficiaires ont rarement mis du leur à remercier celles et ceux qui ont, à chaque fois, sacrifié leurs convictions pour éviter la catastrophe – d’ailleurs, ce sont souvent les électeurs de gauche qui se sont retrouvés ainsi cocufiés. Rarement la droite a accepté de sacrifier ses positions quand elle était placée dans de tels cas (on se souvient encore du fameux ni-ni de Sarkozy), et les exécutifs de droite élus grâce aux voix de la gauche ont trop rarement rendu la monnaie aux électrices et électeurs ainsi privés de toute représentation.
Il en va de même pour le libéral Macron, un des présidents les plus mal élus de notre Histoire, qui a cru avoir été élu pour ses idées alors qu’il a plutôt été choisi par défaut, et qui au final a réussi à s’aliéner une bonne partie de ses concitoyen-nes. Voulant réformer trop vite et trop durement, pour rendre la France soi-disant plus compétitive, il n’a réussi qu’à enrichir les plus riches et creuser les inégalités – faisant par là-même le lit du vote de la peur.
La gauche, morcelée, éclatée et sans trop d’idées, a pour l’instant tenu à elle seule la digue face à la menace populiste. Une partie de la droite a choisi de s’en rapprocher dangereusement, certains de ses anciens leaders ont carrément sauté le pas, et d’autres jouent de ce front républicain pour tenter de se maintenir à leur poste. Mais une digue ne résiste qu’à condition d’être entretenue, régulièrement renforcée, et tout porte à croire que celle-ci est en train de craquer, à force d’être négligée … Si elle finissait par céder, il ne faudra pas aller trop loin pour en trouver les raisons !