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La rentrée politique approche. Chacun·e y va de sa petite déclaration et le Ministre de l’Économie ne déroge pas à la règle. Le “quoi qu’il en coûte, c’est fini“, pérore-t-il, et on sait très bien qu’il ne manquera pas de nous présenter la facture de la crise. Pour payer la note, on demandera encore une fois aux salarié·e·s de travailler plus, plus longtemps, et si possible d’être encore plus productifs.
Sauf que, de plus en plus, se diffuse la petite idée de la semaine de 32 heures, et sur quatre jours s’il vous plaît (avec maintien du salaire). Bien évidemment, le premier libéral croisé trouvera cette idée au mieux stupide, au pire complètement utopique, mais quand on réfléchit avec sa calculette, on ne voit pas plus loin que le bout du cadran.
La situation actuelle
La grande majorité des salarié·e·s français·e·s travaillent au rythme de 5 jours/semaine, du lundi au vendredi. Ce modèle est aussi valable pour les services publics, les entreprises de services nécessaires (banque, assurance, médecins …). Ce qui fait que lorsqu’on doit prendre un rendez-vous, gérer un problème administratif, ou ce genre de choses qui relève de la vie personnelle, on a souvent guère le choix que de le faire depuis son lieu de travail, ou pire en s’absentant pour honorer le dit-rendez-vous – donc en mettant à mal la sacro-sainte productivité.
Travailler sur cinq jours, c’est long, c’est souvent pénible, et ça laisse peu de temps pour se consacrer à d’autres activités, qu’elles soient sportives, culturelles ou bénévoles. S’épanouir dans son travail est de plus en plus difficile et la crise du COVID n’a fait que renforcer ce sentiment, déjà présent dans beaucoup d’entreprises en perte de sens. Le besoin de se consacrer à d’autres activités grandit, et, alors que nos ressources naturelles s’épuisent sous les coups de la pollution, accumuler les trajets devient un non-sens.
Travailler mieux
Donc en passant à quatre jours, on pourrait permettre aux salarié·e·s de gagner un jour de repos supplémentaire, en semaine, qui leur donnerait la possibilité de régler leurs problèmes administratifs de façon plus sereine, de pouvoir faire plus de sport, d’aller se cultiver et s’intéresser à autre chose que les potins du bureau, voire de s’engager dans la vie associative (voire politique plus les plus fous) locale. Bref, de reprendre leur place de citoyens.
Mieux, ça serait même meilleur pour la consommation. Alors que nous concentrons l’activité d’achat sur des plages de temps souvent limitées, on pourrait retrouver le plaisir de flâner, de parcourir les boutiques et de se laisser tenter par une pièce qu’on n’aurait jamais trouvée en temps normal. Par ailleurs, l’activité commerçante étant lissée sur la semaine, on diminuerait aussi le niveau de stress pour les commerçants et leur clientèle, rendant ainsi l’expérience bien plus agréable.
Enfin, un passage à quatre jours de travail, combiné à une diffusion plus large du télétravail là où c’est possible, aurait une efficacité assez spectaculaire sur notre bilan carbone. Combien de déplacements pourraient être ainsi évités, donc d’heures perdues dans les transports dont on sait qu’ils sont de grands pourvoyeurs de pollution atmosphérique ?
Bref, pour le moment, c’est tout bénef’… sauf pour les entreprises ?
Et le patron il en dit quoi ?
Bizarrement, l’entreprise y gagne aussi, et pas qu’un peu. Dans les entreprises où la mesure est déjà en place, la productivité a augmenté, les embauches aussi et tout le monde y trouve son compte. Les salarié·e·s, plus reposé·e·s, sont plus investi·e·s dans leur travail, s’y sentent mieux, et donc travaillent mieux. Ce qui est somme toute assez logique.
Bien sûr, la mise en place d’une telle mesure nécessite de réorganiser les flux de travail, de remettre en cause le sacro-saint présentéisme cher à nos managers français, de s’assurer que chaque service pourra continuer à tourner normalement. Rien n’est insurmontable, à condition de prendre le soin de mettre les choses à plat et de dépasser les préjugés.
Pour une fois, on peut même demander au législateur de nous foutre la paix, de créer un cadre légal qui soit flexible et permette aux entreprises de mener cette révolution dans la concertation, de ne pas fixer de règles immuables toutes plus débiles les unes que les autres… bref de laisser l’État s’occuper de sa propre organisation et de ne pas se mêler de ce qu’il ne sait pas faire. Sur ce sujet précis, ça n’en serait que meilleur.
Et, si, finalement, la mesure de gauche et écologique du moment, c’était ça ?
C’est la base !
Oui c’est la base. Parce qu’à partir de cette base tu peux articuler un nouveau projet de société, complètement différent du modèle d’aujourd’hui.
Mieux articuler la vie professionnelle et la vie privée c’est la conquête sociale de demain. Et sachant qu’il y a de moins en moins de travail et toujours autant (voire plus) de travailleurs potentiels ça profite à tout le monde.