Travail : La fin des illusions

Macron a ouvert une boîte de Pandore avec sa réforme des retraites : les Français·e·s ne veulent pas travailler plus, plus longtemps. Tout du moins pas dans les conditions actuelles. Alors que le totem de la « valeur travail » est constamment rappelé par les conservateurs de tout poil, il paraît judicieux d’essayer de comprendre ce qui a suscité ce rejet.

Tout travail mérite salaire

Rares sont celles et ceux, qui aujourd’hui, estiment être bien payés : l’inflation frappe durement les portefeuilles de nos concitoyen·ne·s, et les augmentations de salaire ne suivent pas le rythme de l’inflation. Alors que les dividendes augmentent, que les profits des grandes entreprises sont florissants, la rémunération ne suit pas. Difficile de se motiver à aller bosser.

D’autant plus qu’aller travailler coûte de plus en plus cher : le litre de carburant frôle les 2 €, les opérateurs de transport en commun augmentent leurs tarifs pour faire face aux coûts d’exploitation. Tous ces éléments impactent le pouvoir d’achat des salarié·e·s, et, comme l’argent ne ruisselle pas, la motivation se perd en route.

Motivés, motivés …

Motivé·e·s pour quoi d’ailleurs ? Le management des entreprises est devenu de plus en plus brutal et de plus en plus déconnecté des réalités, adoptant un vocabulaire parfois incompréhensible. Le COVID a émoussé les plus coriaces, en les amenant à s’interroger sur l’utilité sociale de leur travail. Enfin, pour les premier·e·s de corvée a qui en promettait reconnaissance éternelle au plus fort de la pandémie, on ne peut pas dire que leur sort a franchement évolué.

Beaucoup s’interrogent sur l’utilité même du travail, son rôle social. Le travail perd son rôle central dans la vie des gens : de plus en plus de nos concitoyen·ne·s aspirent à plus de temps libre, plus de possibilités de choisir leurs engagements, et plus d’utilité sociale. Les grandes entreprises, engluées dans leur système de management archaïque, n’ont pas encore pris la mesure des attentes de leurs salarié·e·s et les regardent partir, souvent sans réagir.

Travailler plus pour gagner … pareil ?

Dans un tel contexte, le Gouvernement confirme encore… qu’il n’a rien compris. Héritier pour une partie de la droite sociale des années 80, et de l’autre d’une social-démocratie engluée dans ses modèles du XXème siècle, Macron et ses ministres s’imaginent qu’ils peuvent demander encore des efforts à des Français·e·s qui n’en peuvent plus… et qui attendent encore de voir les fruits des années d’austérité qui leur ont été imposées depuis 1983 (le fameux tournant de la rigueur mitterrandienne).

Alors que la fortune des plus riches ne cesse d’augmenter, les travailleurs voient leur pouvoir d’achat diminuer, alors que l’effort fourni pour travailler leur coûte. Reculer l’âge de départ, augmenter le nombre de trimestres nécessaire sans demander en contrepartie des efforts aux entreprises donne le sentiment qu’on demande encore des efforts aux travailleurs, mais pas à ceux qui tirent profit de leur travail.

Génération sacrifiée

Et pour la génération qui travaille actuellement, c’est un fardeau de plus. Un travailleur entré sur le marché du travail dans les années 90 a subi la crise de l’emploi des jeunes (pas assez d’expérience, trop peu ou trop diplômé), a enchaîné les CDD, l’intérim et les périodes de chômage avant de se stabiliser. Il sera bientôt un senior, donc probablement débarqué. Il aura les plus grandes difficultés à retrouver un emploi pour aller jusqu’à sa retraite. Beaucoup souffriront d’une incapacité physique et ne profiteront pas de ce moment (ou pas longtemps) … et ils auront en prime des pensions rognées par la succession de réformes.

Pour les femmes, c’est même souvent pire : les temps partiels subis, les maternités, les cohortes de conjointes-collaboratrices créeront des armées de petites vieilles vivant dans la misère… si tant est qu’elles arrivent vivantes à la retraite.

Il n’est guère étonnant que cette réforme de plus (de trop ?) ne passe pas auprès de l’opinion. Et elle est encore une fois l’illustration que nos gouvernants, que les parlementaires hors-sol de la Macronie, n’ont rien absolument rien compris aux enjeux de ce siècle, ni au monde d’après qui s’éloigne encore et encore…

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