La crise touche tous les niveaux de la société : même au sommet de l’État, les gouvernements sont de plus en plus éphémères. Celui de Michel Barnier, nommé il y a à peine 3 mois, est déjà en fin de CDD et risque la rupture non-conventionnelle dès ce mercredi. Et à ce rythme, le Président risque aussi de bientôt disparaitre
Gouverner sans majorité
Déjà d’entrée c’était mal barré : nommer un Premier Ministre issu de LR, alors qu’ils étaient les grands perdants des législatives, c’était s’exposer très vite à un procès (légitime) en illégitimité. Ça n’a d’ailleurs pas loupé, même les députés restants de l’ex-majorité présidentielle se sont employés à lui mettre des bâtons dans les roues.
Comme il ne faut pas forcer sa nature, Mimiche a mis la barre à droite d’entrée de jeu, en nous avertissant que y’avait (encore) plus un rond dans les caisses et que les Français·e·s allaient payer la douloureuse. Il a donc embarqué ce qu’il restait comme députés macronistes, les UDI, Modem et autres Horizons, et les quelques LR traînant par ci par là, pour constituer une alliance de circonstance capable de voter ses mesures sans trop barguigner (le fameux « socle commun »).
Et pour espérer ne pas être trop vite renvoyé à sa Savoie, il a commencé ses courbettes au RN. Le groupe constitué des députés d’extrême-droite et des affidés à Chiotti a le pouvoir de faire et défaire les gouvernements, Barnier s’est donc dit qu’en leur donnant des gages (Retailleau au ministère de l’Intérieur, Genetet et ses postures conservatrices à l’Éducation, KasbaTrump à la Fonction Publique, loi Immigration…), il pourrait garder un tant soi peu son poste…sauf que ça ne s’est pas tout à fait passé comme prévu.
Dialogue de sourds
Alors que le NFP est finalement arrivé en tête, et après le feuilleton de l’été (Lucie, Huguette, Karim et les autres…), Barnier a délibérément choisi de tourner le dos aux propositions venues de la gauche. De nombreux amendements ont été portés, un certain nombre votés en séance, mais le Premier Ministre a choisi de s’asseoir dessus.
S’il avait été le si habile négociateur qu’on nous a présenté, il aurait pu, avec des compromis, faire valider son budget par une partie des députés de gauche, et ainsi éviter la censure. Les rapports entre Insoumis et socialistes sont exécrables, et au vu de l’équilibre en nombre de députés des deux camps forts, négocier un compromis viable avec une parte d’entre eux aurait à coup sûr évacué tout risque de censure. Les beuglants Insoumis auraient hurlé à la traîtrise (pour changer) , mais les députés validant ces compromis auraient ainsi montrer leur volonté de construire des solutions pour l’interêt général (et en prime ça aurait clarifié les rapports de force à gauche).
Hélas, le Premier Ministre en sursis a choisi la négociation avec Le Pen et ses troupes. Enfin négocier… plutôt leur donner des gages en espérant que ça soit suffisant pour éviter la censure, et ainsi se compromettre avec ceux que Macron avait promis de combattre de toutes ses forces. Bref, la soumission affichée par Barnier n’a semble-t-il pas suffi, le gouvernement va très probablement sauter et les fêtes de fin d’année promettent d’être animées en débats politiques (ils vont être sympas les réveillons cette année 🤣)
Et ensuite ?
Pour la suite, tout étant possible, on peut imaginer plusieurs scénarii. Regardons ensemble quelques possibilités :
- Un gouvernement de gauche : Macron se rend enfin compte que la droite, ça marche pas, et donne les clés au NFP (après tout ils sont majoritaires). Le merveilleux petit monde de la gauche va se re-taper sur la gueule pendant 3 semaines et accoucher d’un gouvernement hétéroclite, avec le risque d’une connerie par jour … et qui au final durera aussi longtemps que les négociations. Chacun accusera l’autre camp d’avoir foutu le bordel et on sera pas plus avancé.
- Un gouvernement d’extrême-droite : Macron nomme Bardella Premier Ministre (enfin s’il vient) les députés RN voteront le bras en l’air comme un seul homme, mais les centristes se réveilleront enfin et feront tomber ce gouvernement à la première incartade… ou alors les 75% de Français·e·s qui n’ont pas voté pour l’extrême-droite (abstentionnistes inclus) se révoltent enfin et virent tout ce beau monde.
- Un gouvernement de coalition modérée : Sans parler de Cazeneuve ou de qui que ce soit, un Premier Ministre qui serait en capacité de négocier avec les députés et sénateurs sur un spectre allant de la gauche modérée jusqu’à une droite qui arrête de courir derrière les électeurs du RN pourrait être en capacité de tenir la distance jusqu’à la prochaine présidentielle. Ça obligerait chacun à clarifier ses postures, permettrait de ramener la stabilité nécessaire pour que le pays tourne. Et ça pourrait apprendre à nos cher·e·s élu·es l’art du compromis qui nous fait tant défaut. Le Pen et Mélenchon se retrouverait probablement cornérisés, et leur pouvoir de nuisance serait ainsi fortement amoindri.
- Un gouvernement « technique » : contrairement à ce que certain·e·s pourraient espérer, je n’ai aucun espoir sur la possibilité de voir fonctionner ce genre de dispositif dans notre pays. La figure présidentielle pèse trop, le Parlement n’a pas la culture pour valider ce dispositif et ce gouvernement disparaitrai aussi vite qu’il est arrivé
- La démission de Macron : je ne serais pas plus étonné que cela si ça arrivait. Il a été capable de surprendre tout le monde avec la dissolution de juin, donc créer une crise politique de plus ou de moins ne le dérangerait pas le moins du monde. Même si je ne supporte plus ce Président, je pense que ça serait une mauvaise nouvelle. Ça fait 6 mois qu’on vit dans une forme de bordel pas possible, les Français·e·s sont saoulés de politique, il n’iraient pas voter en masse et ça favoriserait grandement une Le Pen qui n’espère que ça, avant la probable inéligibilité qui lui pend au nez. Macron sortirait ainsi de la vie politique par la petite porte, en ayant amené au pouvoir ceux qu’il s’état promis de combattre.
Le pire c’est que cette idée est probablement déjà sur la table et pourrait se réaliser assez vite.
En résumé, on n’est pas (encore) sortis du sable. Et, en toute honnêteté, tout cela me déprime de plus en plus. Comme beaucoup, je suis un peu découragé par nos politiques qui finalement semblent plus se préoccuper de leur existence et de leur propre utilité que des interêts des Français·e·s qui en chient depuis un bon moment maintenant.
la solution la plus raisonnable serait l’art du compromis. Et il ne faut pas oublier le contexte qui risque de nous tomber dessus : l’article 47 de la constitution, que je te conseille de lire pour voir le bordel que cela va rajouter : il faudra que l’assemblée donne au gouvernement le droit de ….. avec cette assemblée d’obtus d’un coté, et de coincés par des juges de l’autre… ça promet.
Il me semble avoir lu que s’il n’y a pas de budget voté pour 2025 on repart sur les douzièmes du budget précédent. Ça ne résoudra pas tout mais au moins il n’y aura pas de shutdown comme aux USA (c’est déjà ça).
Toujours est-il que c’est un beau bazar en effet et que je ne vois pas pour le moment d’issue favorable à tout ça. Même la dissolution de Chirac en 97 était plus réussie, c’est dire.
oui c’est ce que prévoit l’article 47, mais pour faire ça faudra que l’assemblée vote. Et avec cette assemblée tout est possible, surtout avec la LFI et le RN en mode foldingue.