Je ne parle pas ici du sympathique rongeur, mais de l’électrice ou électeur, généralement de gauche, qui régulièrement se retrouve au second tour d’une élection à faire barrage à l’extrême-droite en votant pour le candidat dit républicain.
Petite histoire
Le castor moderne est apparu au grand public en 2002, à la faveur du second tour de l’élection présidentielle. L’émiettement -déjà- des candidatures à gauche avait conduit à son élimination au second tour, et à la présence de Le Pen père face à Chirac. Face à la stupéfaction, des manifestations monstres se sont organisées. Deux semaines après, Chirac gagnait l’élection avec un score à la soviétique.
Très vite, pourtant, les électeurs déchantèrent. Le gouvernement Raffarin ne montrait pas de signe d’ouverture, d’élargissement, là où ce vote aurait pu déboucher sur une forme d’union nationale. Les difficultés du mandat à venir (CPE, Référendum sur la Constitution européenne) seront les marqueurs d’unz période qu’on pressentait déjà difficile.
Les espèces locales
Le castor méridional s’est lui habitué à devoir bâtir des barrages de plus en plus souvent. En 2015 lors des Régionales en PACA, il a fallu y retourner, arbitrer le combat entre Christian Estrosi et Marion Maréchal-Le Pen. Croyez-moi, pour beaucoup, ce fut difficile, et l’écart au second tour (54,78% pour le vainqueur, 45,22 pour sa dauphine) montre déjà que ce barrage n’était pas des plus solides.
Estrosi avait promis de donner des gages à la gauche locale, proposant la création d’un conseil officieux qu’il s’engageait à réunir de façon régulière, a des fins de consultation et pourquoi pas à en porter quelques propositions devant la nouvelle assemblée régionale. Il y aura, en tout et pour tout, une réunion. Depuis, c’est silence radio.
Le barrage de trop
La dernière fois remonte à 2017, et au second tour de la présidentielle. Même cause et mêmes effets, une gauche atomisée et pillée par LREM a disparu de la circulation, dont ses électeurs (de moins en moins nombreux) sont allés voter Macron en se bouchant le nez. Et l’écart, seulement 15 ans après 2002, apparaissait déjà plus faible.
Dans son attitude jupitérienne, celui-ci a choisi de l’ignorer superbement, dépensant toute son énergie à libéraliser, à réformer les dispositifs d’aides sociales qui coûtent un pognon de dingue, à mépriser la plus grande partie de la population, sauf si elle perçoit des dividendes, et à envoyer la police tabasser allègrement ceux qui ont le toupet de se plaindre. Maintenant, le voilà à ratisser largement sur les thèmes de l’extrême-droite, afin de draguer ses électeurs pour 2022.
Honnêtement, comme de plus en plus de mes compatriotes, j’en ai ma claque. Marre d’être juste un castor, dont la seule utilité est de repousser ce qui semble désormais inexorable. Marre de devoir me boucher le nez à chaque second tour, de donner ma voix à de gens dont je sais par avance qu’ils ne tiendront jamais compte de la confiance qu’on peut leur accorder, tout du moins pour repousser la menace. Désespéré par des dirigeants de gauche qui ne semblent toujours pas comprendre la nécessité d’une union large dès le premier tour, pour ne pas se prendre le second dan les dents !
Donc oui, la prochaine fois que ce cas se produira, il manquera un castor pour faire barrage. Je me contenterai d’être une marmotte.
Pas mieux
Pas mieux, dit une autre marmotte. J’espère que nos commentateurs préférés, sur les plateaux télé, sauront élever le débat et interroger la classe politique qui jette la faute sur l’électeur (trop facile !). J’espère aussi qu’on saura lâcher la grappe aux pauvres électeurs qui en ont marre d’être pris pour des perdreaux de l’année.
C’est tellement inquiétant, je ne sais pas ce que je ferai au dernier moment…
Je ne sais pas non plus … mais vraiment je n’ai plus envie de donner ma voix à quelqu’un en qui je ne crois pas juste pour voter contre … j’ai envie de pouvoir enfin voter pour quelque chose auquel je crois !
[…] tour commence à me gonfler sévèrement. Après 20 en PACA, j’ai pris la sale habitude de jouer les castors quasiment à chaque second tour. Et je vous avoue que ça m’amuse moyen à chaque […]
[…] Puis le castor, je commence à être rodé. En PACA, c’est même devenu un sport national pour les électeurs de gauche, qui se voient systématiquement refermer les portes du second tour : régionales, départementales, municipales… le plus souvent ça se termine en vote-barrage pour empêcher les nationalistes d’accéder aux responsabilités. Et le plus souvent, les élus qui en profitent oublient derechef la provenance des suffrages qui les ont installés. […]