Image : passage du train le long de la plage à Golfe-Juan ©moi-même
Il y a quelques jours, Emmanuel Macron a annoncé le retour des trains de nuit, que la SNCF avait fait disparaître sur l’autel de la rentabilité, avec la complicité du ministre de l’Economie de l’époque, un certain … Emmanuel Macron.
Pour les habitants du coin, et de beaucoup de coins reculés , c’est plutôt une bonne nouvelle. Voilà enfin une alternative crédible et peu coûteuse à l’avion, dont la croissance exponentielle a été stoppée net par la crise sanitaire, pour le plus grand bien de la planète (et de nos oreilles…)
État des lieux à Nice
L’aire urbaine de Nice (qui s’étend de la frontière italienne jusqu’à l’Est-Var) est assez mal desservie par le train. Non pas en nombre de trains, mais par manque de rails… Il y a une seule ligne qui dessert la zone de Marseille à Vintimille, celle-ci a été construite à la fin du XIXème, suivant un parcours magnifique en bord de mer, mais sinueux et permettant assez peu d’extensions. Résultat, le trafic régional, Grandes Lignes, TGV et international doit cohabiter sur cette petite bande à l’entretien difficile et les retards sont nombreux et multiples.
La vitesse moyenne sur cette section est forcément faible, conduisant à des temps de parcours élevés : il faut 2h40 pour un Nice-Marseille, 2 villes séparées par guère plus de 200 km – soit une moyenne avoisinant les 75 km/h. Et donc 6h pour un Nice-Paris en TGV (le plus absurde est de s’apercevoir que, selon l’échelle de la SNCF, Paris et Nice sont équidistants de Marseille).
Bien sûr, les projets autour de la ligne TGV reliant Aix à Nice n’ont jamais abouti et n’aboutiront probablement jamais (ou tout du moins pas dans les 30 prochaines années), et à part la construction de quelques bouts de ligne par-ci par là, rien n’est annoncé pour remédier à la situation. Il faut dire que les vignerons du Haut-Var ne sont pas très chauds pour voir passer des trains qui ne s’arrêteront jamais au milieu de leur vignoble.
En face, l’avion relie l’aéroport de Nice à la banlieue parisienne en 1h20. Même avec les contraintes de l’enregistrement, l’Orlyval et le RER B le gain de temps est conséquent. Par contre pour le bilan carbone on repassera.
Bercé par les rails
L’avantage du train de nuit, c’est que le temps passe plus vite en dormant. Imaginons notre hommes d’affaires qui monte dans son train à 22h en gare de Nice, enfile son pyjama de soie et se glisse dans la magnifique couette 100% polyester fournie par la SNCF, s’endort et se réveille en pleine forme à 6h, gare de Paris-Bercy, prêt à rejoindre ses congénères avec costume-cravate et attaché-case dans le métro, direction La Défense. Il est presque suspect, non pas parce qu’il est le seul à sourire, mais parce qu’il a probablement mieux dormi que les autres, bercé par le « cloc-cloc » des rails… ou les ronflements de son voisin de couchettes.
Encore mieux, imaginons l’air émerveillé de Timothée, petit Parisien en goguette qui s’endort au Vert-de-Maisons et se réveille, les yeux encore tout collés, en admirant la Méditerranée entre Cassis et Bandol (je vous assure que ça vaut le spectacle). Quelle plus belle manière de commencer ses vacances, franchement ?
Prendre le temps
Le train de nuit, au-delà de l’image d’Epinal, c’est aussi se réconcilier avec un rapport au temps différent. C’est prendre le temps de s’installer confortablement, de rêvasser, de ne pas se stresser. C’est envisager son voyage comme une partie du séjour, et non pas comme une étape obligée ; franchement, s’entasser dans la cabine préssurisée d’un Airbus, ne pas pouvoir étendre ses jambes, et courir à la sortie de l’aéroport pour ne pas louper la navette, très peu pour moi.
Bien sûr il est nécessaire de l’adapter à notre époque : les règles sanitaires devront être plus drastiques, il sera aussi nécessaire d’intégrer la sécurité de chacun en évitant les vagabondages à l’intérieur du train, et en séparant les espaces réservés aux femmes et aux familles de manière à leurs garantir la tranquillité de leur voyage. Mais rien n’est insurmontable, si on se donne la peine de bien faire les choses.
Enfin, j’espère que les décisionnaires ne réduiront pas le train de nuit à un centre de profits. Pour que la recette fonctionne, il faudra des prix abordables et accessibles à tous, en particulier aux familles nombreuses qui trouveront enfin une alternative à la voiture pour rejoindre leur lieu de vacances.
Mais, qui sait, pour une fois nos dirigeants feront preuve de bon sens ?