Ce vendredi 21 août, notre quotidien régional préféré annonçait la future construction de l’extension du tram’ vers l’Ariane et la Trinité. La gauche et les écologistes niçois (pour une fois tous d’accord) ne cachaient pas leur joie de voir ce dossier qu’ils ont porté enfin aboutir (encore que pour le moment il n’y a pas un mètre de rail de posé.. ).
Petit voyage au gré des lignes du tram’ à Nice, ça vaut son pesant de salades (niçoises).
Ligne 1 : Henri Sappia-Pasteur-Drap (?)
Après 4 années de travaux chaotiques, la ligne 1 est inaugurée par Jacques Peyrat fin 2007, soit quelques mois avant les élections municipales de 2008 qui consacreront un nouveau Maire, un certain Estrosi. Le tracé dessert le Nord, le centre-ville, et rejoint l’Est de Nice par le quartier de St-Roch et le campus St-Jean-d’Angély, inauguré en concomitance. Elle sera ensuite prolongée sur la folle distance de … 450 mètres pour desservir le Nouveau Centre Hospitalier de Pasteur, dont les travaux ont été tout aussi chaotiques.
Cette ligne, financée par la Ville, l’ancêtre de la Métropole (la Canca), la Région et des fonds nationaux et européens, devait dès l’origine rejoindre le quartier de l’Ariane (c’était d’ailleurs une des conditions à l’obtention de certains subsides d’Etat). Mais la complexité du projet a conduit Jacques Paeyrat a repousser cette extension …
Très tôt, des collectifs se sont formés pour demander le désenclavement de l’Ariane et de la Vallée du Paillon, soutenus unanimement par l’opposition de gauche et écologiste. Ironie du sort : il aura fallu attendre l’élimination de la gauche au Conseil Municipal et Métropolitain pour que Christian Estrosi annonce la prolongation de cette ligne vers les territoires de l’Est.
Et encore, la solution retenue est a minima : la ligne rejoindra le tracé de la voie ferrée Nice-Breil au niveau du Pont Garigliano, et desservira les mêmes stations. En l’état actuel, le projet ne prévoit pas de station pour le quartier des Liserons, et une seule station qui desservira tout le quartier de l’Ariane, obligeant ses habitants à traverser leur quartier et le pont qui franchit le Paillon. On est loin de la desserte urbaine de proximité qui prévaut dans le reste de Nice.
Est aussi évoquée la construction d’un parc-relais sur la commune de Drap, permettant aux habitants des vallées travaillant sur Nice de rejoindre la Ville en laissant leur voiture à l’extérieur, (ceux-là même qui sont repoussés de la ville par le prix excessif des logements), mais sans avoir la moindre idée de sa faisabilité, du nombre de places, de sa localisation et de son financement.
Le projet n’en est qu’à ses premiers pas, mais l’inauguration se fera pour 2026. On peut tenir pour acquis que tout sera mis en place pour que cette cérémonie se tienne à quelque jours des élections municipales.
Ligne 2 : Aéroport/Cadam – Port Lympia
Que n’a-t-on pas déjà écrit sur cette ligne 2, une des lignes les plus chères de France. Le trajet initial prévoyait un passage sur la Promenade des Anglais, mais devant l’insistance de certains hôteliers de luxe, soucieux de ne pas voir trop de prolétaires utiliser un transport collectif sous leurs fenêtres, il a été choisi d’enterrer partiellement cette ligne.
Et bien évidemment, creuser un tunnel à Nice, ça creuse aussi les finances : le coût total de ce chantier pharaonique approche le milliard d’euros, les retards se sont accumulés, certains immeubles ont salement bougé, nécessitant des dépenses supplémentaires pour consolider leurs fondations, on a même vu des morceaux de route engloutis par le chantier .. bref, rien ne nous aura été épargné.
Surtout pas les inaugurations en grande pompe : premier tronçon en juin 2019, le second en septembre (première partie du tunnel) et le dernier en décembre (l’arrivée majestueuse sur les quais du Port et ses rangées de yachts). La mise en route a été difficile, mais pour le moment tout semble fonctionner (même si pas plus tard que lundi dernier, la portion souterraine était fermée en soirée pour des travaux de maintenance… moins d’un an après son inauguration donc). Vous aurez de vous-même noté que ces cérémonies ont eu lieu dans l’année précédant les élections municipales.
Reconnaissons que cette ligne a au moins un mérite : desservir l’aéroport directement depuis le centre-ville au tarif d’1,50 € est une mesure populaire (du moins pour ceux qui peuvent prendre l’avion), et pas trop coûteuse en ces temps de trafic aérien réduit.
Ligne 3 : Aéroport – St-Isidore (via le stade)
Plus de 3 ans après son inauguration, le stade de Nice a enfin sa ligne de tram’ : construite concomitamment avec la ligne 2 (il paraît que ça permet d’économiser sur le budget), la ligne partage ses infrastructures de maintenance et ses rames avec la dite ligne 2, ce qui n’est pas sans poser quelques soucis.
Le cadencement actuel de cette ligne est d’une rame toutes les … 20 minutes. C’est peu, trop peu pour qu’elle soit massivement adoptée par les usagers. Et la raison est à la fois très simple et assez révélatrice de l’état d’esprit du notre Maire : il n’y a pas assez de rames. Les commandes passées à Alstom ont été faites uniquement pour la ligne 2, la construction de la ligne 3 ayant été avancée. Le budget de la Métropole ne prévoyait pas la commande de rames supplémentaires, on utilise donc les matériels de “réserve” de la L2 pour exploiter la L3.
Mais l’honneur est sauf, les grandes pompes étant ressorties pour une inauguration en … novembre 2019.
Petit point sur le matériel
Le réseau de tram’ niçois présente aussi une autre particularité : il exploite deux types de matériels roulants, parfaitement incompatibles entre eux. Ce qui fait qu’une rame de la L1 ne peut rouler sur le réseau L2-L3 et inversement. Et les lignes n’étant pas interconnectées, il existe donc 2 centres de maintenance, deux formations pour les traminots, deux technologies différentes à maintenir, et deux designs différents pour les rames.
Aù-delà des considérations esthétiques, cette situation conduit à des ruptures de charge selon les trajets, les correspondances quai-à-quai qui prévalent dans les réseaux modernes étant tout simplement inexistantes. Le voyageur qui partira de l’Ariane pour prendre un avion à l’aéroport sera contraint de traverser la place Garibaldi avec sa valise pour changer de ligne : ce qui, avouons-le, n’est guère pratique.
Mais tant que le réseau sera imaginé par des gens qui utilisent la plupart du temps leur véhicule personnel (voire avec chauffeur), l’ergonomie sera une considération de second plan.
Et la suite ?
Il est prévu une extension du réseau vers l’Ouest du Var (le fleuve pas le département), pour relier Nice à St-Laurent-du-Var et Cagnes-sur-Mer (ou les centres commerciaux Cap3000 et Polygone Riviera si vous préférez). On ne connaît encore ni le tracé ni les financements nécessaires, mais on sait déjà que les cérémonies d’inauguration seront fastueuses.
Le problème des grandes pompes, c’est que ça peut finir par ressembler à des chaussures de clown.