Autopsie de la gauche en PACA

Image par Willfried Wende de Pixabay 

Cette fois nous y sommes : la gauche est morte en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il reste l’exception marseillaise, mais pour l’essentiel, c’est terminé. Revenons sur les étapes d’une lente et douloureuse agonie.

Première déflagration

2015 : au soir du 1er tour des Régionales, le candidat de la liste PS se voit contraint et forcé de retirer sa liste, pour faire barrage à Marion Maréchal-Le Pen et sa sinistre clique. La décision est – déjà – difficile à avaler pour les militant·es du cru, mais l’écart trop élevé menace de faire tomber notre Région dans l’escarcelle lepéniste. Disciplinée, elle reporte ses voix sur Christian Estrosi.

Celui-ci, bon prince, promet de mettre en place un conseil consultatif, pour écouter les avis et les propositions de cette gauche sacrifiée, et si possible en porter quelques-unes devant le Conseil Régional. Cette belle promesse ne durera que trois mois, et sera définitivement enterrée par le successeur d’Estrosi, Renaud Muselier

Parallèlement, les dirigeants du Parti socialiste, en échange de ce sacrifice, promettent de compenser les cotisations d’élus manquantes, afin de permettre aux fédérations concernées de ne pas voir leur budget impacté par cette décision… nous verrons plus tard ce qu’il est advenu de cet engagement solennel !

Deuxième service

Après une primaire houleuse et une campagne ou les trahisons se sont multipliées, le candidat socialiste s’est effondré à la présidentielle, laissant le parti dans un incroyable marasme. Une législative menée sans espoir et sans grand enthousiasme plus tard, voilà notre PS réduit à sa portion congrue en nombre d’élus. On se dit alors que tomber plus bas n’est pas possible… et pourtant !

Cette déflagration politique est suivie d’une déflagration financière. Le Parti est contraint de réduire son train de vie : vente du siège historique de Solférino, plan social … tous les moyens sont bons pour économiser, faire baisser les charges pour les adapter aux recettes actuelles. Le parti qui devait défendre les pauvres se voit appauvri lui aussi.

Bien sûr, dans les fédérations, il faut couper court aussi. Et dans les fédés sans élus, l’aide exceptionnelle est divisée par 4. Les permanent·es qui restaient se voient signifier leur départ, et désormais, il va falloir compter sur les bénévoles pour faire tourner la vieille maison socialiste. Les départs de militant·es ecoeuré·es se multiplient, les sections se vident … la gauche s’éparpille en une multiplication de formations, et on finit par presque ne plus savoir qui est où. Bref, il va falloir se retrousser les manches pour survivre.

Renaissance ?

Un congrès a permis de doter le parti d’une nouvelle direction, rajeunie pour l’essentiel, qui s’est donnée pour mission de ranimer la flamme socialiste. Il lui a d’abord fallu trouver ses marques, faire le tour des Fédérations pour analyser l’état des troupes, et remettre la machine en ordre. Le problème est que tout ceci s’est fait dans une relative indifférence. Les premiers grands travaux se sont déroulés de façon consensuelle, avec un débat apaisé comme rarement autour du bilan du précédent quinquennat, puis des européennes ou l’essentiel a été sauvé. Le score, bien que faible, permettait de sauver l’honneur, au prix de quelques sacrifices d’élus sortants qui n’avaient pourtant pas démérités.

Dans les fédérations, les choses se remettent en place aussi, doucement. Il faut se réorganiser, inventer de nouvelles façons de travailler, de communiquer,, de fonctionner aussi. Je n’ai que de l’admiration pour ces militant·es qui se sont démené·es pour faire tourner la machine, prendre en charge la com’, l’administratif, le financier, l’entretien et l’ouverture des permanences … bref, prendre sur leur temps libre pour suppléer le départ des permanent·es et faire vivre nos associations (oui, les fédérations sont des associations, avec toutes les contraintes que ça implique).

En clair, c’est le chaos, mais le parti et la gauche recommencent à espérer des jours meilleurs.

Un coup derrière la tête.

Les municipales, en particulier à Nice, sont à nouveau un joli fiasco. Mauvaise stratégie, union tuée dans l’oeuf … nous voilà à nouveau réduits à la portion congrue. Pas le temps de s’en remettre que nous voilà confinés, réduits au silence et contraints de se réunir en visio, ce qui contribue à distendre encore les liens.

Une embellie à lieu en septembre, ou un quasi consensus se crée pour une candidature unique aux élections sénatoriales. Le mode de scrutin et le faible nombre d’électeurs en notre faveur laissaient peu d’espoir, mais une bonne campagne a permis de réunir plus de voix qu’espéré, nous permettant enfin de démontrer que ce chemin est celui à suivre pour l’avenir.

Pendant ce temps, on commence à sentir les prémices de l’abandon du parti pour ses militant·es. De partout commencent à remonter des appels à l’aide, une aide souvent simplement logistique, mais qui ne trouve pas d’écho auprès des dirigeants nationaux. Aucune mutualisation des moyens, aucune formation militante ne sont proposées. Chaque fédération est priée de se débrouiller avec les moyens du bord.

Rapidement, les travaux collectifs commencent en vue des régionales et réunissent quasiment toute les forces de la gauche, écologistes, et citoyennes. Un collectif naît, élabore un projet. Comme d’habitude, il éclatera au moment des tractations collectives et seule une partie de ce collectif sera représentée dans la liste finale, entraînant la colère de celles et ceux qui en seront écarté·es, C’est regrettable, mais c’est hélas le jeu politique.

Entre temps; le parti, exsangue financièrement et feignant de le découvrir, décide de couper toute aide financière à ses fédérations, afin de préparer la campagne présidentielle. Il faudra serrer la vis, encore, mais on se débrouillera. Et puis si on a quelques élu·es, ça devrait aller.

Le coup fatal

La campagne régionale coïncide avec la levée progressive des mesures sanitaires. Nous voilà libres de militer enfin, de nous lancer corps et âme dans cette campagne. Personne ne compte ses heures, son énergie pour espérer, enfin, redresser la barre. Après 6 ans de souffrance, l’heure est enfin venue, sans optimisme démesuré, de faire rentrer à nouveau la gauche et les écologistes dans l’hémicycle régional et de faire enfin exister nos idées dans le débat. Il y a cette menace, sourde d’abord, puis alimentée par les médias, d’un duel entre la droite et le RN. Mais nous voilà persuadé·es que les citoyen·nes ont envie d’entendre parler d’avenir, d’espoir, de leur vie quotidienne et de comment nous espérons la changer.

Les résultats du 1er tour étonnent et laissent la place à un espoir de rentrer à nouveau dans l’hémicycle régional… espoir vite douchés par les dirigeants de nos grands partis, qui, après nous avoir ignorés, coupés les vivres, laissés nous débrouiller pour reconstruire nos organisations, recréer les liens avec les partenaires, vivre tout simplement, et étant eux-mêmes incapables de proposer une ligne claire à nos formations, menacent désormais d’exclusion toutes celles et ceux qui participeraient à cette aventure du second tour.

Bien sûr, la pression sera trop forte sur nos candidat·es, qui, la mort dans l’âme, annoncent le retrait de cette liste. Nous n’aurons pas plus d’élu·es qu’avant, pas un rond, pas plus d’aide non plus … Et des militants·es pour la plupart définitivement découragé·es de se battre, y compris contre leurs propres instances.

Bizarrement, ces mêmes dirigeants qui nous ignorent, ignorent nos attentes, nos états d’âme, les particularités de nos territoires qui rendent l’action militante si difficile dans notre Région, ne manquent ni de moyens, ni d’imagination pour nous faire parvenir leur prose .. Je m’interroge sur le coût de cette initiative, pour un parti désargenté. Et quel manque de délicatesse de dire “Je sais pouvoir compter sur toi” à des militants·es qu’on a lâchement abandonné la veille.

Et maintenant ?

Et maintenant, je ne sais pas. Cette défaite me laisse un goût amer dans la bouche, très amer. J’ai perdu la foi, l’envie de me battre, de défendre mes idées et mes idéaux, de lutter face aux vents contraires. Les plus douloureux étant ceux qui viennent de mon propre parti, mes propres dirigeants.

Je m’interroge : ne voient-ils pas ce qu’il se passe dans les territoires, sont-ils naïfs, où ne veulent-ils pas le voir ? Dans les deux cas, c’est inquiétant. Inquiétant pour l’avenir de ma famille politique, inquiétant pour l’avenir de la gauche. Si elle meurt par ici, la gangrène risque de se propager … dans tout le pays. Et personne ne pourra plus compter sur ses militant·es, ses électrices et électeurs pour les protéger de la menace qui se propage … Quant à mon propre engagement, je dois y réfléchir. L’été porte conseil.

2 commentaires

  1. mais sociologiquement la région n’est elle de plus en plus pas un réservoir de droite ? un grand nombre de vieux qui ont du patrimoine se déplacent dans le sud et ils sont bien plus facilement conservateurs si ce n’est réactionnaires ou moisis.(j’en connais et ce sont des LGBT ce qui est encore plus pénible) En tout cas ton post secoue, je ne me moque pas : je sais que militer c’est donner sans compter son temps personnel pour voir d’autre en profiter quelques années plus tard en espérant participer à un truc collectif qui change d’un iota les choses (ou + soyons fous) et pas du top-down permanent. Là le solde est négatif et amplement. Mais ceux là ne voient-ils pas ce qu’il se passe dans les territoires, sont-ils naïfs, où ne veulent-ils pas le voir ? sont ils encore doté de salaires > 10K€/mensuels ?

    Et méfiance, les zinsoumis vont vous sauter dessus pour vous dire qu’ils vous aiment bien, que ce n’est pas de votre faute, et hop une morsure dans le coup et votre compte est bon.

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