Il y a quelques semaines de ça, j’ai rendu mon gilet à la grande distribution. Je partais pour un autre avenir, une autre région, une autre vie… et ils n’ont rien lâché !
Rupture quoi ?
La première fois que j’ai exprimé ma volonté de partir, c’était au moment du Plan de Sauvegarde de l’Emploi de 2021. Parce que oui, dans les grands groupes, pour sauvegarder des emplois, on les supprime. C’est d’une imparable logique. L’idée était de laisser ma place à un·e de mes collègues dont le poste était menacé, en échange de quoi je bénéficiais des conditions de départ proposées (formation payée et une indemnité intéressante pour quitter l’entreprise).
Sauf que, ça n’a pas marché comme je le souhaitais, personne n’a voulu de mon job. C’est dommage, un job avec un bureau chauffé et confortable, des horaires relativement cool, dans la grande distribution, ça court pas les rues. J’ai donc rapidement rebondi, en trouvant un financement pour ma formation, et je l’ai menée à terme grâce au temps partiel.
Je ne me voyais pas revenir à temps complet après ma formation, et j’avais d’autres projets (essentiellement mon départ pour la Bretagne). J’ai donc annoncé à ma responsable des Ressources (in)humaines (abonnés) que j’allais partir. Et bien évidemment, j’ai demandé si une rupture conventionnelle était envisageable…
Conventionnelle ? Connaît pas !
Après tout, j’ai passé 15 ans dans ce magasin, avec des horaires souvent décalés, des conditions de travail pas toujours idéales, des contraintes sur ma vie de famille, et des salaires pas toujours mirobolants. J’ai été loyal, honnête, respectueux des horaires, des règles de vie de l’entreprise et toujours soucieux d’aider mes collègues et l’entreprise.
Bref, je demandais juste à mettre un terme correct à notre relation de travail. Contre une petite somme (à l’échelle du groupe), je partais en conservant mes droits au chômage, sachant que j’ai cotisé 15 ans. En prime, je récupérais mes indemnités de départ (histoire de pouvoir me relancer dans de bonnes conditions), et l’entreprise faisant des économies en ne me remplaçant pas. Mais, comprenez-vous dans ces boites-là, one ne fait pas de faveur à celui qui s’en va après avoir largement contribué à enrichir l’actionnaire.
Donc me voilà, presque contraint et forcé, de démissionner. Et donc privé des indemnités chômage, les libéraux qui nous gouvernent n’admettant pas qu’on puisse quitter son travail pour prendre une seconde chance, quand bien même ma formation a été financée sur des deniers publics.
Le plus absurde dans tout ça, c’est que si j’avais pu bénéficier du fameux plan social dont je vous parlais plus haut, j’aurais pu partir avec une petite fortune en poche… j’ai donc permis à l’entreprise d’économiser une jolie somme d’argent, enrichissant l’actionnaire doublement. D’ailleurs il a même encore gratté les fonds de poche…
Pot de départ ?
Pour la petite anecdote, ma hiérarchie n’a même pas jugé utile d’organiser ne serait-ce qu’un petit moment convivial pour me remercier, et me permettre de saluer dignement les collègues que j’ai côtoyé pendant ces années. Je ne suis pas parti en mauvais termes, ma décision était connue, motivée, et expliquée à mes responsables et mes collègues. Et donc, même pas un Curly à se mettre sous la dent. Je suis parti j’ai dépointé, et je n’y suis jamais plus retourné.
J’en ressens, encore aujourd’hui, à 1300 kilomètres de distance, une certaine amertume. J’ai l’impression que c’est comme si, durant toutes ces années, je n’avais pas existé à leurs yeux, sauf pour être un rouage de la machine à aspirer du pognon, et que les valeurs humaines prônées par l’enseigne n’étaient que du flan, de la jolie com’ bien rodée pour appâter le chaland.
Ma seule chance dans tout ça, c’est que le groupe est physiquement inexistant dans la région où je vis, et que je ne leur file du coup plus un radis pour mes courses, même si les autres ne sont à mon avis guère meilleurs pour ce qui est du côté humain. Bref, la page est tournée, mon gilet rouge est au fin fond d’une boîte de recyclage, et je n’y retournerai pas de sitôt…
[…] profit de l’actionnaire, qu’il ne rémunère pas celui qui l’accomplit, qui ne lui donne pas la considération qu’il mérite (rappelez-vous, un instant, des premiers de tranchée qui ont tenu la barque durant les […]
[…] Comme le système est bien fait, je n’ai actuellement aucun revenu (merci aussi aux crevards actionnaires d’Auchan, trop radins pour accepter une rupture conventionnelle), donc, permis ou pas, je ne sais pas trop comment je vais pouvoir la payer, la […]
[…] m’en vais, je laisse tout, mon boulot (de toute façon, la grande distrib’), mon appart’ (tout miteux et humide), mes racines (encore que, j’étais déjà un […]
[…] Pendant ce temps, ma propre responsabilité auprès de mes enfants n’a aucunement diminuée. Je continue, régulièrement (et malgré les aléas de revenus de ma situation d’auto-entrepreneur), à participer financièrement à l’éducation de mes enfants, à payer les voyages réguliers pour venir en visite. Et ce sans aucune aide, même lors de la période où je n’avais aucun revenu. […]