Un caddie de (futurs) chômeurs

Mille quatre cent soixante quinze ou 1.475 ! Ce n’est pas l’année d’une bataille gagnée ou perdue par l’armée de je ne sais quel ou quel roi, mais le nombre de postes supprimés par mon employeur !!!

Héros hier, chômeur demain

Voilà la dure loi du capitalisme !!! Les « héros et héroïnes » du confinement sont rattrapés par la crise. Pendant que les dirigeants télé-travaillaient bien à l’abri dans leurs grandes maisons, ils et elles étaient présent.es, sans masques (ça ne servait à rien à l’époque), sans tests, avec la pression de ne jamais savoir s’ils allaient ramener ou pas le virus au sein de leur propre foyer.

La situation d’aujourd’hui n’est pas plus normale, mais le libéralisme a du retard sur ses objectifs. Il faut se transformer, se réinventer, « répondre aux nouvelles attentes des consommateurs et des citoyens » … et en profiter pour virer du monde et améliorer le dividende.

« Oui mais l’entreprise doit s’adapter »

Bien sûr qu’elle le doit… ça fait 10 ans que les salariés eux-mêmes le constatent, le réclament. Sauf qu’à force de changer les dirigeants, d’inventer des « plans d’action » qui ne vont jamais à leur terme, rien n’avance vraiment… jusqu’au moment trop tard.

Formation professionnelle a minima, outils vétustes et inadaptés (ça coûte cher), stratégie commerciale en retard permanent, modèle dépassé : rien de nouveau sous le soleil. Depuis de nombreuses années, les salariés ne reconnaissent plus l’enseigne, le groupe enthousiaste et innovant qu’ils ont connu à leurs débuts, et qui pour nombre d’entre eux était le job d’une vie.

En retour, l’adaptation se fait désormais à marche forcée, et surtout en payant le prix fort en terme d’emplois. Alors qu’un travail de fond bien mieux mené, une « vision » (ils adorent ce mot) plus éclairée aurait pu permettre de préparer ces changements en s’appuyant sur l’expérience des salariés qu’on « remercie » aujourd’hui.

Fin de carrière

Il n’est pas rare de croiser des salariés qui ont 15, 20 ou 30 ans d’ancienneté dans les magasins. Des gens ordinaires qui ont commencé à travailler tôt, qui ont appris un vrai métier, qui ont su évoluer au fil du temps, acquis de vraies compétences… et qui vont se retrouver sur le carreau.

Comment vont-ils le vivre ? Comment rebondir quand a 45 ans on est déjà un senior sur un marché de l’emploi déjà mal en point avant la crise sanitaire, et encore plus aujourd’hui ? Comment accepter de devoir se remettre dans une dynamique de recherche alors que certains ont pour seul bagage un CAP, un BEP ou un Bac Pro ? Ils sont compétents, ils ont de l’expérience, mais pas les diplômes requis !

Et comment vont-ils vivre le fait d’être largués au bord du chemin après avoir consacré leur vie à l’entreprise, y avoir placé (et même perdu) une partie de leurs économies, et consacré tant de temps et tant d’efforts (horaires décalés souvent synonyme d’une vie familiale bancale, travail physique avec des conséquences sur leur santé …).

C’est ainsi que l’entreprise du XXIème siècle remercie celles et ceux qui ont contribué à son développement .. en les abandonnant sur le bord du chemin, pour très probablement les remplacer par des alternants, des stagiaires ou des jeunes fraîchement diplômés qui seront rémunérés au moins cher (mais trop heureux de trouver un travail en ces temps difficiles).

Et au fait y’à quoi dans ce plan ?

Di-gi-ta-li-sa-tion ! Voilà le maître-mot. En clair, se transformer et se convertir au web, à marche forcée. En commençant par supprimer une particularité propre aux grands magasins – les centres SAV.

Mais si vous savez, ce guichet ou vous ameniez votre appareil en panne et où on vous le réparait ! Bientôt c’est le web qui le fera. Il faudra vous-même décrire la panne sur le site, imprimer une étiquette de retour, remballer et renvoyer votre colis (donc bonjour la queue à la Poste) et espérer qu’il ne se perde pas en route, qu’il soit réparé et renvoyé dans un délai raisonnable et qu’il ne se reperde pas sur le chemin du retour. C’est moins pratique, et c’est équivalent à ce que proposent les géants du web…

Sauf que pour un « petit appareil » à 50 €, vous imaginez sincèrement que combien vont accepter de perdre du temps à accomplir ces démarches lourdes et fastidieuses ? Et que va-t-il se passer à votre avis ? Pou-belle.
A l’heure où notre planète a le plus besoin qu’on diminue la consommation d’appareils, que partout se mettent en place des ateliers de réparation, de reconditionnement, l’entreprise a choisi de recréer une filière d’hyper-consommation d’appareils souvent remplis de composants polluants. Pour la petite note écolo, on repassera.

Pour le reste, on supprime des postes sur l’administratif, les approvisionnements, sur le management des caisses… bref des métiers qui ne se voient pas, mais pourtant essentiels. Des rayons vides et digitalisés, des caisses automatiques, il va être sympa le magasin du futur. Pour l’humain, allez voir ailleurs !

3 réflexions au sujet de “Un caddie de (futurs) chômeurs”

  1. Grandeur et décadence du capitalisme. J’ai travaillé pour Auchan (3 ans) à l’époque où le groupe était encore un modèle du genre. Tout passe tout casse tout lasse, hélas. J’espère que tu ne fais pas partie des coupes sombres 🙁

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    • Aucune idée pour le moment. C’est pas impossible vu mon poste de « gratte-papier ».
      J’en saurais plus la semaine prochaine de toute façon. Mais que ce soit moi ou mes collègues c’est la même chose. Et oui je ne reconnais plus le Auchan dans lequel je suis rentré il y a bientôt 15 ans !

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      • J’étais rentré chez Auchan en 97 ou 98 je crois, j’y étais resté 3 ou 4 ans, j’sais plus. On nous rebattait les oreilles avec le mythe des caissières millionnaires qui avaient eu la bonne idée de laisser fructifier leur épargne salariale. Mais comme tu dis, cette époque semble bien loin. Courage et force à toi et tes collègues !

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