S02EP04 : Je ne suis pas dans mon assiette

Après les livres la semaine dernière, voilà que les autres rayons non-essentiels ferment aussi leurs portes dans les grandes surfaces.

La victoire des élites

On peut saluer le formidable travail de mobilisation des petits commerçants, aidés par les élites intellectuelles (auteurs, éditeurs) et politiques de notre pays pour dénoncer cette abominable distorsion de concurrence entre les grandes surfaces et le commerce de proximité.

Aù-delà du casse-tête logistique qui se met en place, au fil des annonces des technocrates qui nous gouvernent, ce sont des milliers d’emplois qui sont directement menacés – et oui, vous n’y aviez pas pensé à ça !!!

Des milliers d’emplois ? Mais comment ça ?

Ben oui, essentiels ou pas, les produits ne se mettent pas en rayon tout seuls. Il y a des employés qui les préparent dans les entrepôts, les transportent, les réceptionnent, les mettent en rayon, les encaissent. Que vont-ils faire maintenant qu’il n’ont plus le droit de travailler ?

Ben comme tous les autres, ils vont pointer au chômage partiel. A la charge du contribuable qui va les indemniser, pendant toute la durée de cette interdiction de vente. Et c’est pas quelques-uns, on estime à environ 50.000 à 70.000 postes qui sont directement menacés. Payés à glander avec votre pognon, pendant que vous êtes privés d’acheter des bouquins et des assiettes (oui, on ne peut plus acheter d’assiettes en France – par décret du Gouvernement).

Et comme en prime, ce sont des postes qui sont souvent occupés par des personnes avec des revenus assez faibles, qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts en temps normal, on va en prime créer encore un peu plus de pauvreté, de difficultés sociales – mais c’est pas grave on préserve “l’exception culturelle“ à la française.

Oui mais c’est mieux pour les petits commerçants !

Sérieusement, qui peut croire qu’avec nos jeans à 9,90€, nos coloriages pour enfants, nos assiettes bas de gamme, on soit la cible des bobos qui se fournissent chez les petits commerçants. Très peu de nos salariés et de nos clients ont les moyens de flâner chez le libraire (d’ailleurs les pauvres ça sait pas lire, ils préfèrent se divertir devant BFM), d’acheter leurs services en porcelaine dans les enseignes spécialisées (puis honnêtement pour s’empiffrer d’un gratin premier prix, l’Arcopal® c’est très bien), ou de se fringuer dans les magasins chics du centre-ville.

De plus, les grandes surfaces sont aussi – très souvent – le principal canal de distribution de PME bien françaises, qui sont contents de nous vendre des produits pas toujours de luxe, mais qui font la satisfaction de nombre de familles.

C’est pour qui le jackpot ?

A votre avis : Amazon® se frotte déjà les mains. Déjà pendant la première saison du confinement, ils ont vu bondir leurs bénéfices, mais alors là … À votre avis (fort éclairé, j’en suis sûr), les familles, bien désappointées de voir des rayons fermés, vont-elles vraiment se tourmenter l’esprit pour trouver le cadeau de Noël du petit dernier ? Oh que non, Internet est fait pour ça. Et les algorithmes ne se priveront pas de retourner les meilleurs résultats possibles – enfin les meilleurs résultats de ceux qui payent pour être en haut.

Alors cette fois-ci, ne comptez pas sur nous pour jouer les héros comme en mars … et mon chômage partiel, j’irais pas le dépenser dans les petits commerces, c’est pas dans mes moyens. Et encore merci chères élites de vous soucier du sort des premiers de corvée.

3 réflexions au sujet de “S02EP04 : Je ne suis pas dans mon assiette”

  1. Voila bien un sujet sur lequel je suis partagé. Je pense que les gens ne se rendent pas compte que les super ou hypermarchés sont bien en plus en concurrence avec Amazon que les petits commerces. Tu montres en illustration de la vaisselle. Je pense que l’avenir de la vaisselle est le magasin de centre ville, pour les cadeaux, les beaux trucs, et Amazon : l’autre jour, j’ai cassé trois verres à vin, j’en ai acheté des nouveaux, comme je n’ai pas de voiture, je suis passé par Amazon.
    Pour une partie des fringues, c’est pareil : on a besoin des commerces de proximité pour acheter des beaux pantalons surtout si on n’a personne pour faire les retouches mai pour les sous-vêtements et autres tee-shirts, c’est plus simple et moins cher de passer par Amazon.
    Ma mère habite dans un patelin de 10000 habitants, on n’a pas les mêmes grands magasins qu’à Nice, ils ne peuvent pas fournir un choix suffisant.

    On a un vrai problème, actuellement, c’est la désertification des centres-villes parce que des maires idiots ont autorisé des zones commerciales avec des magasins spécialisés mais ces derniers seront remplacés par Internet (pas que Amazon) et les centres-villes reprendront un peu de vie (rassure-toi, je ne prévois pas la disparition des hypers qui vendent de tous mais des magasins spécialisés).
    Tu ajoutes à ça une gauche débile qui veut sauver les livres de la pandémie donc croient sauver les libraires et en arrivent à fermer les espaces culturels des hypers car ils ne savent même pas qu’ils existent. Amazon va tout gagner alors que les trois peuvent cohabiter. Par contre, à chaque fois qu’on évoque la concurrence faite par Amazon aux libraires, on oublie celle faites par les espaces culturels aux libraires. Et si les libraires disparaissent, ce n’est pas la concurrence d’Amazon, contrairement à ce qui a été dit mais à celle des hyper et ça ne date pas de peu…

    Je ne sais pas si je suis hors sujet ou pas, le paysage commercial français va connaître de grosses mutations et les imbéciles vont ronchonner en deux jours parce que le confinement nous tombe dessus…

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    • Oui clairement la grande distribution est une concurrence tout aussi importante pour les petits commerçants qu’Amazon – voire même plus intense sur certains secteurs.
      Toutefois je crois qu’on ne vise pas forcément la même clientèle. Par exemple sur les livres : nous sommes en ce moment en période de fêtes (oui ça commence tôt chez nous) et on trouve dans notre rayon « librairie » beaucoup de coffrets cadeaux (comme la fameuse « guillotine a saucissons »), pas mal de coloriages et de livres pour enfants, et finalement assez peu de livres pour adultes (si ce n’est la quasi-intégralité de la collection Harlequin). Bref essentiellement des produits avec une valeur culturelle qu’on ne peut pas qualifier « d’élitiste ».
      Idem sur les vêtements. Le jean a 10 balles qu’on vend n’est pas forcément un « concurrent » des magasins d’habillement et il ne me viendrai pas à l’idée d’acheter un costume en grande surface. On ne sait pas faire et ça ne nous intéresse pas.
      Ces fermetures, en plus de nous emmerder, posent aussi un problème sanitaire. Au vu de l’absence de visibilité sur la durée de ces fermetures, on a juste posé des bâches et interdit le passage dans les allées… réduisant ainsi la surface « utile ». Il faudra donc réduire les jauges d’accueil et imposer aux clients de se peler dehors en attendant de pouvoir rentrer dans le magasin.
      Les mutations on les vit depuis 10 ans. Elles ont aussi des répercussions sur notre façon de travailler et nos emplois (les réductions d’effectifs pleuvent depuis quelques temps). Mais on s’adapte à chaque fois.
      Cette décision de fermeture me surprend d’abord parce qu’en mars on nous a fichu une paix royale (faute de pouvoir nous protéger de manière efficace) et parce qu’elle ne tient pas compte de la réalité économique. On subit la grogne des petits commerçants et la politique du pire de Castex et cie (au point qu’in ne sait toujours pas quels rayons doivent être ouverts ou fermés).
      Et au final le système sera contourné par le click and collect. Rien ne nous empêche de prendre la commande du client sur place, de la préparer et de la lui remettre 15 minutes plus tard. On restera ouverts de toute façon – sinon tout le monde aura faim. Donc on s’adapte. On se prend la tête pour des conneries et on rajoute un peu plus de bordel là où on aurait besoin de sérénité.
      Sur la désertification, les élus de gauche comme de droite ont privilégié l’ouverture de grandes surfaces parce que ça crée de l’emploi facile – un supermarché c’est 100 à 150 personnes, un hyper t’es vite à 500 plus la galerie marchande… et à l’époque ça faisait aussi grimper les recettes de taxe professionnelle. Aujourd’hui les mêmes élus nous dénoncent comme les grands méchants. Ça reste de la bonne vielle démagogie… et pour le coup la gauche est toute aussi nulle que la droite on est d’accord.

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