Avoir raison trop tôt

A l’heure ou nos gouvernants veulent nous faire travailler (encore un peu) plus, pour payer les pots cassés de la crise économique, le Groupe LDLC a annoncé aujourd’hui la mise en place des 32 heures.

Quoi ? Comment ça ? Travailler moins? Et pour le même salaire ? Encore un coup de ces bobos gauchos… Même pas. Le fondateur du groupe dit s’être inspiré d’une expérience menée par Microsoft (oui oui, le M de GAFAM), qui n’est pas connue pour être une planque infestée de cryptos-communistes.

Rappelez-vous il y a 3 ans, le candidat PS à l’élection présidentielle (un certain Benoit Hamon), expliquait que devant la raréfaction du travail, il allait falloir envisager de le partager encore un peu plus, et diversifier les sources de revenus.

Je ne reviendrai pas ici sur sa campagne et sur le résultat (on n’oubliera aussi qu’au sein du PS beaucoup se sont employés avec énergie à lui savonner la planche…), mais force est de reconnaître que ses idées, qui paraissaient farfelues en 2017, commencent à trouver un certain écho aujourd’hui.

La raréfaction du travail

Dans un pays qui comptait (avant la crise du COVID – oui je l’accorde au masculin encore et toujours) plus de 3 millions de chômeurs à temps complet et près du double en incluant toutes les catégories, il est complètement stupide de réclamer aux Français de travailler plus et plus longtemps. Tout simplement parce que cet effort supplémentaire ne sert qu’à financer le coût social de ceux qui restent sur le côté et les retraites de ceux qui ont travaillé déjà assez longtemps et assez dur pour profiter d’un repos bien mérité.

La réduction du temps de travail, au contraire, permettra de créer des emplois supplémentaires, et élargira mécaniquement l’assiette des cotisations. A taux constant, les recettes augmentent puisque plus de monde cotise. Et comme il y a moins de chômeurs, il y a aussi moins d’allocations- chômage à distribuer, donc moins de dépenses. C’est tout benef’ !

Le bien-être des salariés s’en trouve aussi amélioré ; 32 heures, c’est 4 journées de 8 heures, donc un jour de repos supplémentaire, consacré aux loisirs, au bénévolat, à la culture (ou à rester au fond de son lit, chacun fait bien comme il veut). Et au final c’est aussi des salariés moins stressés, plus reposés, donc plus productifs…

Enfin il faut se rendre compte que de plus en plus de tâches sont robotisées, informatisées, automatisées etc… forcément, ce qui nécessitait de mobiliser un service entier pendant plusieurs heures peut aujourd’hui être réalisé en quelques clics ; ça réduit forcément le nombre de personnes nécessaires (il paraît même qu’il existe un robot capable de me remplacer, heureusement que mon patron ne lit pas ce blog).

Du coup, travailler moins pour travailler tous c’est pas si con…

Le revenu universel

On va se dire les choses franchement : mon boulot m’emmerde au plus haut point et je n’y trouve plus guère de motivation… si ce n’est que j’ai un loyer à payer et pas d’autre choix pour le moment. Mais se lever à 6h du mat’ pour m’assurer que les stylos sont bien en rayon, ça n’a rien d’exaltant, surtout après la crise sanitaire qu’on vient de subir, tout ceci me paraît franchement futile.

Et là quelque part, le revenu universel est une bonne idée : combien de salariés aujourd’hui, mal à l’aise dans un job peu gratifiant, peu reconnu, mal payé rêveraient de pouvoir se réorienter vers quelque chose de plus gratifiant personnellement. Sauf que beaucoup sont « enchainés ». Lorsque le salaire est pour beaucoup la seule source de revenus, qui suffit juste à couvrir les « frais fixes, difficile d’envisager de tout plaquer pour se lancer dans une formation… comment manger, payer son loyer si le salaire n’est plus là.

L’avantage du revenu universel est qu’il permet aussi de « casser » la relation employeur-employé, qui ressemble souvent à une forme de servage (oui, un peu comme au Moyen-Age). Il est plus facile de dire merde à un patron qui abuse, où d’envisager de s’engager dans quelque chose qui nous plaît vraiment si on sait qu’on ne se retrouve pas les poches vides. De fait, la relation est assainie, on traite plus « d’égal à égal ».

Vous me direz que ça va coûter « un pognon de dingue » comme dirait l’autre. Très probablement. Mais quand on regarde ce qui est gaspillé pour aider nos entreprises à améliorer leur « compétitivité » (rappelons-nous du « succès » du CICE et des millions d’emplois crées… oups!), et la bienveillance qu’on leur accorde lorsqu’elles annoncent un plan social (qui souvent est au seul bénéfice de l’actionnaire) , je me dis que l’investissement peut être rentable… surtout qu’en filant un peu plus de pognon à ceux qui en ont besoin, ils l’injecteront plus facilement dans l’économie réelle que les Arnault, Pinault et consorts dont les poches en débordent déjà (c’est à se demander d’ailleurs ce qu’ils peuvent bien en faire, j’aurais jamais assez d’une vie pour dépenser autant).

S’il avait raison, pourquoi tu restes au PS ?

Voilà une question intelligente, merci de me l’avoir posé.

D’abord parce que je ne crois pas aux mouvements fondés autour d’un seul homme. Génération.s s’est malheureusement considérablement affaiblie depuis que Benoît Hamon s’est mis en retrait, et on voit bien avec le résultat des municipales que LREM, qui n’existe que par et pour la volonté de Macron, est sur une pente descendante. Contrairement à beaucoup, je crois encore en la force des partis « traditionnels » comme structure pour permettre aux idées de se développer et de se diffuser dans la population. Je comprends très bien la réaction de Benoît et de celles et ceux qui l’ont suivi dans cette aventure… difficile de rester dans une formation qui est capable d’être aussi hostile à son candidat !

Ensuite, parce que le départ de certains anciens caciques du Parti (n’est-ce pas Jean-Christophe) laisse la place à une nouvelle génération de leaders. Certes ils sont encore peu connus mais ils travaillent dur. Tout n’est pas parfait loin de là, mais on sent malgré tout une volonté de se réinventer et de réinventer « le monde d’après ». Pour les critiques, je préfère garder cela en interne.

Enfin par fidélité. Je crois encore en l’idéal socialiste d’une société plus juste, plus équitable, plus bienveillante. Et je ne crois pas que la « révolution » soit réalisable, elle nécessiterait une prise de conscience généralisées des travers de notre monde … et il faudrait qu’elle soit mondiale (et souvent elle se finissent dans la violence). Je lui préfère la « force tranquille » de Mitterrand.

Et n’en déplaise à certains, on peut être socialiste et « en même temps » de gauche 😉

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